Le petit flambeau

L'Autriche vue par un universitaire français…

La violence sexuelle banalisée dans les rapports de classe

GertiSengerUne jeune femme de ménage polonaise chargée également de cuisiner pour un retraité autrichien écrit au  plus grand quotidien du pays, le Kronen Zeitung, pour demander conseil car son employeur la contraint à des rapports oraux sous la menace de la renvoyer. Cette employée écrit « Depuis deux ans je (29 ans, d’origine polonaise) cuisine et fais le ménage pour un retraité bon pied bon œil (70 ans). De temps en temps je dois le satisfaire oralement. Je ne veux pas mais j’ai peur de ne pas retrouver un travail si bien payé. » La spécialiste du courrier du cœur (!), Gerti Senger, lui répond dans l’édition du 13 juin 2107 que c’est bien normal : « Malheureusement vous n’êtes pas payée que pour votre travail, vous vous vendez également. » Elle ajoute : « si vous continuez vous pourriez gagner autant d’argent, ou même plus. Mais si vraiment vous ne voulez pas, vous devrez vous contenter d’un peu moins d’argent. Ce n’est qu’ainsi que vous pourrez garder votre tranquillité d’esprit et votre estime de vous-même. »

Le Kronen Zeitung c’est le journal le plus lu au monde en taux de pénétration dans la population avec un taux de plus de 30% en 2016 (tirage d’un million d’exemplaires, 2,2 millions de lecteurs en semaine, 2,8 le week-end, pour un pays de 8,5 millions d’habitants, cf. source de médiamétrie). Ouvertement xénophobe, ce tabloïd a touché en 2016 près de 234 000 EUR de subventions de l’Etat, dont 23 173 EUR pour des distributions gratuites de journaux dans les écoles (source : conseil de la presse autrichienne, instance de déontologie).

La colonne de Mme Senger, psychologue, est d’habitude réservée aux problèmes de couple et de libido. Le dimanche, cette femme que l’ancienne ministre de l’éducation, Mme Gehrer, a nommée ‘professeure’ par décret pour « services rendus dans l’éducation populaire » (!), dispose d’une page ou deux dans l’édition du week-end du Kronen Zeitung pour émoustiller les lecteurs (il est vaguement question de jalousie, de séduction, de la nécessaire soumission des femmes et parfois de positions sexuelles). Là, à travers cet échange reproduit dans l’édition du mardi 13 juin, c’est toute la violence de classe qui s’exprime, même si, malheureusement, la majorité des lectrices et lecteurs risque de ne pas s’en rendre compte. Dans la réponse de Mme Senger, rien sur le harcèlement dont l’employée est victime, rien sur les démarches à entreprendre, seule la résignation est proposée, sinon il faudra consentir à « gagner moins ».

Le film d’Ulrich Seidl, Hundstage (Dog Days, 2001), pouvait sembler caricatural pour certain.e.s, ce simple courrier d’une lectrice, avec la réponse effarante apportée, montre combien l’Autriche s’accommode de sa situation de pays riche exploitant les travailleurs pauvres issus des pays voisins, également pour le confort de ses prédateurs sexuels. Le seul projet politique du gouvernement (comme expliqué dans ce billet), c’est de réduire  les allocations familiales pour les étrangers communautaires qui travaillent en Autriche mais dont les enfants sont restés dans le pays d’origine. Voilà, c’est l’Europe de 2017 que je me permets de critiquer et, de grâce, ne me traitez pas d’anti-européen !

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14 juin 2017 - Posted by | Autriche | , ,

Un commentaire »

  1. bravo de faire connaître cette triste réalité!

    Commentaire par mao | 14 juin 2017 | Réponse


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