De la perversité du terme ‘viennoiserie’ quand on vit à Vienne
« Ah, vous, à Vienne, vous devez vous régaler avec les viennoiseries ! » Combien de fois ai-je entendu pareille méprise ! Oui, les viennoiseries que l’on trouve en France viennent au départ de Vienne, notamment le croissant, objet de belles légendes plus ou moins véridiques au sujet de son origine. Seulement, aujourd’hui, à Vienne, il n’y a pratiquement plus de boulangeries ! L’immense majorité des Viennois achètent leur pain dans des filiales d’usines qui ne font que réchauffer le pain sur place. Pire encore, mes concitoyens autrichiens pensent qu’il s’agit de boulangeries lorsqu’ils voient les enseignes de Ströck (54 filiales, un millier d’employés, 70 millions de CA en 2006, 75 filiales en 2013 !), Der Mann (58 filiales, 600 employés et 35 millions de CA) et autres Felber, Anker etc. Ces fast-foods spécialisés dans le pain industriel sans saveur polluent l’ensemble du paysage urbain – c’est une catastrophe ! Pire encore, les Viennois qui ne s’y rendent pas achètent leur pain en supermarché… voire dans les stations service ! Zang, reviens, ils sont devenus fous !
Il est carrément impossible dans de nombreux arrondissements de la capitale autrichienne de trouver une véritable boulangerie.
Dans le 9ème, où j’habitais auparavant, il n’y a QU’UNE boulangerie, Ritz, qui existe d’ailleurs depuis 1897. Le déplacement vaut le coup, même à partir des arrondissements limitrophes. Leurs Müsliweckerl et leur Inka-Brot sont tout bonnement délicieux, tout comme leur Nußrotstange d’ailleurs !
Sinon, dans le très chic premier arrondissement, il convient de mentionner Joseph, qui propose par exemple un « Bio Urlaib » qui n’a rien à envier au traditionnel pain Poilâne que bien des Parisiens apprécient. Les prix sont bien supérieurs à ceux de Ritz, sans doute à cause de l’emplacement, Naglergasse, et de la clientèle visée (mélange de cadres mais aussi de bobos sur les points de revente). Parmi leurs « viennoiseries » je recommande le « Bio Topfengolatsche » (genre de brioche fourrée au gâteau au fromage blanc) qu’il convient toutefois de réchauffer au four pour une dégustation optimale. Les « Zimtschnecke aux Bio Rosinen » sont censés évoquer le pain aux raisins avec cannelle, mais sans que le feuilletage soit vraiment à la hauteur du prix (2,45 €).
Mentionnons enfin une particularité de certaines boulangeries turques : on y trouve de délicieux anneaux au sésame (‘Sesamring’ en allemand, ‘simit’ en turc). Les meilleurs que je connaisse, qui surpassent d’ailleurs tous ceux que j’ai pu tester à Istanbul (et j’en ai testé plus d’un !) sont ceux du Diwan, Reschgasse 7, sur la place du marché de Meidling (seulement 60 cents, assez pour un p’tit-déjeuner à deux). C’est sur la U6 à deux pas du métro Niederhofstrasse.
Ritz, Joseph et Diwan sont trois adresses que je recommande !
Mise à jour déc. 2016 : mon ami Nino a traité le sujet bien plus sérieusement avec de bonnes adresses et même une recette de pain ! C’est ici. Un article auquel il se réfère rapporte qu’il y avait 700 véritables boulangeries à Vienne après-guerre et qu’il n’en reste que 25 dans tout le pays !
Fevrier 2017 : on me signale à nouveau cette boulangerie française, « petit dej », Pötzleinsdorfer Str. 67, 1180 Wien, ouvert à partir de 8h tous les jours.
Compléments
- „Mehr als nur klägliches Brot“, Die Zeit, 2012
- „Der Kampf der Bäcker gegen Supermärkte und Diskonter“, Die Presse, 2012
- „Großeinsatz am Backblech: « Ströck » und « Der Mann » werben um die Gunst der Kunden“, News, 2006
- „Die Macher der Kaisersemmel“, Backwelt, 2002
PS/ Par souci de déontologie gastronomique : après avoir formulé sur un réseau social quelques critiques (argumentées bien sûr) au sujet d’un Nußkipferl qui m’avait laissé sur ma faim, la boulangerie Josef m’a offert un bon d’achat de 5 € en guise d’excuses. J’avais déjà prévu depuis longtemps d’écrire sur le drame de la disparition des boulangeries à Vienne et ce geste commercial, au demeurant apprécié, n’a pas influé sur mon opinion.
15 commentaires »
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Bon appétit!
Nous,après quelques année à l’étranger nous avons compris qu’il fallait… une machine à pain.
herr Jerome,
la direction de Stronker und Felbeurk est heureuse de vous inviter a vie dans ses boulangeries viennoises en guise d’excuses
salutation
ce matin mes tartines n’ont pas le même goût
curieux
Merci pour cet état des lieux ; de mon côté, je fais mon pain, à la main, et c’est du Spaß !
N’oubliez pas la boulangerie Stumpf à Döbling. Même si elle ne vaut pas la meilleure boulangerie française (i.e « celle au coin de la rue »)
Stumpf Backwaren Capellmann, Döblinger Hauptstr. 84, 1190 Wien
Pas encore testée, merci du tuyau.
De rien. Elle existe depuis 1768!
Je vous conseille le waldviertlerlaib ou leur italienisches Landsbrot. Les croissants et les marillenkuchen sont aussi très bons!
bien qu’elle ne soit pas mauvaise, je doute tout de même que ce soit une vraie boulangerie qui fait tous les pains sur place et non pas seulement un point chaud… Je trouve juste que leur petits pains ont bizarrement le même goût que ceux de Felber. Mais c’est à confirmer
Il est marrant ton article, j’avais fait le même constat. Que tu peux reproduire aussi pour la boucherie. Ces chaînes viennoises, au bout de queques années, on ne peut plus les supporter…. Ma boulangerie c’est Schrammel…. mais tu paye deux fois plus cher que dans n’importe quelle boulangerie parisienne de quartier…
Je vois…Paniglgasse 17a (1040 Wien), faudra que j’y fasse un tour, merci du tuyau.
Tout à fait d’accord avec l’article!
Le niveau des boulangeries à Vienne est d’ailleurs tellement bas que le McCafé est devenu le meilleur endroit pour manger des croissants! Oui, je vous assure!
Sinon la même chose s’applique pour les fruits et les légumes à Vienne… Impossible de trouver quoi que ce soit de normal au supermarché et le Naschmarkt laisse franchement à désirer…
et la Vollkornbäckerei Kornradl dans le 7ème, dans le passage entre la Lerchenfelder Straße (au niveau du numéro 13) et la Neustiftgasse !
Trouver du bon pain en dehors de France, un combat perdu d’avance !
A propos de Joseph
J’ai l’impression que tout ce qui marchr ici ce doit d’etre industrialisé
http://noe.orf.at/news/stories/2798587/
Je ne vois plus trop lr coté artisanal.
Il y a sinon Gragger – Spiegelgasse 23, 1010 Wien