Le petit flambeau

L'Autriche vue par un universitaire français…

« Le garçon sera circoncis » ou du théâtre comme agora

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L’affiche de la pièce

Une femme qui approche la quarantaine est sur scène avec neuf enfants ; ils prennent tour à tour la parole. « Pour moi, circoncire mon fils c’était honorer la mémoire de mon grand-père déporté », « On nous mettait des robes pour la cérémonie de circoncision alors certains couraient et allaient se cacher au village d’à côté pour espérer y échapper, mais on les trouvait toujours », « C’est l’alliance avec Dieu, ok, mais les filles en sont exclues ? », « Il y en qui disent que c’est à cause de leur circoncision que les jeunes musulmans, trahis par leur mère, ont un rapport si malsain avec les femmes… », « Dans le village voisin, en Turquie, il y a eu un mort suite à la circoncision, une infection », « Dans le discours des opposants à la circoncision on sent de l’antisémitisme et du racisme contre les musulmans », « Les adultes n’ont rien à faire sur les parties génitales des enfants ! »

Tels sont, de mémoire, quelques-uns des propos que l’on entend lors de la pièce de théâtre intitulée Le garçon sera circoncis (Der Junge wird beschnitten). Il s’agit de la première pièce mise en scène par Anja Salomonowitz, jusqu’ici connue en Autriche pour ses films documentaires. Elle a fait le choix audacieux de traiter, essentiellement avec des enfants, d’un sujet pour le moins délicat : la circoncision. Lire la suite

5 avril 2016 Posted by | Autriche, Judaïsme, Religion, Sexisme, signes religieux | , , | Un commentaire

Notre ville !

Médaillon représentant trois expressions différentes de l’identité juive, avant 1900

Il s’agit pour les deux concepteurs, Werner Hanak-Lettner et Danielle Spera (également directrice dudit musée), de s’interroger sur les rapports qu’entretiennent les Juifs avec leur ville, du Moyen Âge à nos jours, la césure étant très logiquement la Seconde Guerre mondiale qui sépare d’ailleurs la partie à l’étage de celle située au rez-de-chaussée. Placer la période contemporaine au début de l’exposition permet d’ailleurs d’ancrer celle-ci dans la cité, et ce d’autant plus facilement qu’on trouve dans la première salle des citations de nombreuses personnalités juives contemporaines très présentes dans la vie culturelle comme Oscar Bronner – fondateur en 1988 du quotidien autrichien de référence, Der Standard – qui écrit « la patrie [‘Heimat’ est intraduisible] est pour moi un concept chargé, pour moi la patrie c’est le monde mais c’est à Vienne que je me sens chez moi », Doron Rabinovici – historien, écrivain et essayiste israélien installé depuis 1964 à Vienne (*) ou encore Ruth Beckermann (réalisatrice à qui la cinémathèque du Centre Pompidou a consacré une rétrospective en 2002). Cependant, cette première salle saluant les intellectuels juifs est à l’image du pays, marquée par une relation dialectique de type amour/haine entre les Juifs et l’Autriche. Sur le mur opposé à ces citations, on retrouve des propos directement antisémites, tenus par les plus hauts dirigeants comme le chrétien-conservateur Leopold Kunschak, vice-maire de Vienne (1945-1946) et président du Parlement (1945-1953), qui déclarait le 14 septembre 1945 « J’ai toujours été un antisémite et je le suis encore aujourd’hui », ou Karl Renner (président social-démocrate du pays de 1945 à 1950) qui précisait de son côté, en 1946, « bien entendu nous n’accepterions pas qu’une nouvelle communauté juive issue de l’Europe de l’Est vienne ici et s’établisse, alors que nos propres gens ont besoin de travail ».

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22 décembre 2013 Posted by | Autriche, Judaïsme, Mémoire | , , , , , , | Laisser un commentaire

Le mystère de l’identité juive, à Vienne autour de 1900

LeRider-ptUn peu de lecture pour les amatrices et amateurs du Petit flambeau, ma recension du livre de Jacques Le Rider, Les Juifs viennois à la Belle Epoque (Albin Michel, 2013). Ce sera l’occasion pour celles et ceux qui ne sont pas familiers avec l’histoire de l’Autriche, de saisir l’allusion contenue dans le titre de ce blog. 🙂

10 mars 2013 Posted by | Antisémitisme, Autriche, Critique(s) d'ouvrage, Judaïsme | , , , , , , , , , , , | Laisser un commentaire

Espoir et désespoirs

Nelly

Nelly N., jetée sur les voies du métro le 5 janvier dernier

UPDATE à la fin de l’article

La dernière semaine fut très mitigée en Autriche. D’abord, il y eut les élections régionales du 3 mars, en Basse-Autriche et en Carinthie, fief de l’extrême droite depuis la fin des années 1980. Dans ce dernier Land, bonne surprise, le FPK lié au sémillant Heinz-Christian Strache est passé de 45 à 17% mais il ne faut pas oublier que l’autre parti d’extrême droite, le BZÖ, a obtenu 6% des voix et que le parti populiste « Team Stronach » (le nom de son chef est dans le titre du parti) a remporté 11% des suffrages (résultats). Cela fait tout de même 34% pour les populistes de droite (cf. sur ce blog, un billet à ce sujet) ou d’extrême droite (11 points de moins qu’en 2009). Le gouverneur du Land sera donc social-démocrate et non plus d’extrême droite, ce qui est une bonne chose. Seulement, les électeurs se sont-ils vraiment détournés de l’idéologie xénophobe ou souhaitaient-ils seulement sanctionner un parti lourdement impliqué dans différents scandales financiers ? Le même jour, le FPÖ de Strache passait de 10 à 8% en Basse-Autriche (résultats).
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Pas sûr qu’il y ait de quoi signaler la fin de l’extrême droite, comme le fait en ce dimanche 10 mars l’hebdomadaire profil qui d’ailleurs légitime implicitement ces partis avec l’appellation « Rechte » ou lieu de « Extremrechte ».

Alors que certains bien-pensants se réjouissent de cette cuisante défaite électorale, on ne les entend pas commenter l’actualité judiciaire. Le 7 mars, un homme de 51 ans qui avait jeté sur les voies du métro une Kényane après avoir prononcé des insultes racistes… a été condamné à un an de prison avec sursis ! Lire la suite

10 mars 2013 Posted by | Antisémitisme, Autriche, Judaïsme, Mémoire, Nazisme | , , | Un commentaire

Le nouvelle « loi israélite » en Autriche

La Judenplatz à VienneEn Autriche, quinze religions sont officiellement reconnues, avec des lois spécifiques pour chacune. Ainsi, c’est essentiellement la loi de 1912 qui régit les liens entre les représentants de la religion musulmane et l’Etat. La loi concernant le judaïsme (Israelitengesetz) date de 1890, elle est actuellement en cours de remplacement par une loi plus avantageuse pour les Juifs, même si la diversité des courants du judaïsme risque d’être négligée. De nombreux billets de ce blog commentant le soutien de l’Etat autrichien au catholicisme, il me paraissait nécessaire de faire état de quelques aspects de cette nouvelle loi qui peuvent sembler étonnants.

  • § 8 Les membres de la communauté juive peuvent disposer de rabbins dans les hôpitaux et prisons, payés par l’Etat.
  • § 9 A partir de trois élèves juifs dans une école, publique ou privée, des cours de religion juive doivent être proposés. Le contenu des cours est uniquement déterminé par la communauté religieuse (alinéa 2).
  • §10 L’Etat s’engage à assurer le respect de treize (!) jours fériés annuels (quatre jours pour Pesach, deux jours pour Roch HachanaSouccot et Chavouot et un jour pour Yom KippourChemini Atseret et Sim’hat Torah). Pendant ces journées, ainsi que tous les chabbats, tous les « bruits évitables » et autres actions qui pourraient causer des nuisances sont strictement interdits. Lire la suite

21 avril 2012 Posted by | Autriche, Judaïsme, Laïcité, Uncategorized | , | Laisser un commentaire

The essence of the movement “Occupy Israel”… discussed in Vienna

Daniel Dor and Isolde Charim - Vienna, 6 Dec. 2011

Daniel Dor was invited in Vienna on 6 December at the Bruno Kreisky Forum for international dialog. He works at the Department of Communication of the Tel Aviv University and plays a major role in the protest movement “Occupy Israel” that started in July 2011. His fascinating speech took place in a series “Democracy Reloaded” conceived by Isolde Charim. She mentioned that the Bruno Kreisky now defines itself as a public think tank and it is true that it has become over the years a real space for constructive debates. Regarding Israel, for instance, I had the pleasure to attend to the lectures given by Esther Benbassa, Shlomo Sand and Avraham Burg (see my review on E. Benbassa’s book, the report on S. Sand’s conference or the one on A. Burg‘s).

Optimism

D. Dor explained he wanted Lire la suite

7 décembre 2011 Posted by | Israel, Judaïsme | , , , , , , | 3 commentaires

Le Festival du film juif de Vienne a débuté !

La 19ème édition du Festival du film juif a débuté à Vienne jeudi 17 novembre avec le Film Les Hommes libres,d’Ismaël Ferroukhi. L’historien Benjamin Stora, conseiller historique sur le film, est venu discuter avec le public. En ces temps troublés où le conflit au Moyen Orient ne nous incite pas à l’optimisme, il était important pour nous, au sein de l’équipe, de montrer un film où des musulmans sauvent des enfants juifs en plein Paris occupé. Parmi les autres films français que je recommande chaleureusement (Les hommes libres se rejoue le 3 décembre à 15h15 au cinéma de France): Lire la suite

21 novembre 2011 Posted by | Art, Autriche, Judaïsme, Roms | , , | Un commentaire

De l’identité juive et de la difficulté de son expression à Vienne

Traité sur la Tolérance de Voltaire, Édition Varberg, Amsterdam, 1765

Artikel in der Wiener Zeitung (sachlich aber eher gut), « Eine Frage des Pluralismus » (von Alexia Weiss – hier eine schlechtere Fassung auf Die Jüdische). Eine reine Schande, « Jüdische Kulturschaffende, ausbleibende Entschuldigungen und Fremdschämen » von Bettina Weissengruber auf Die Jüdische, mit meinen Anmerkungen als PDF.

C’est dans une salle archicomble, avec environ 150 personnes, que s’est tenue au Centre de la communauté juive de Vienne, le lundi 17 janvier 2011, une réunion pas comme les autres. Depuis quelques années, le Festival du film juif pose problème à la représentation officielle de la communauté juive en Autriche (IKG). La religion juive a été officiellement reconnue en Autriche dès 1890 (l’islam en 1912, soit dit en passant), et l’IKG a avant tout été fondée pour représenter la religion juive… un peu comme les consistoires en France à l’époque napoléonienne. Toutefois, en l’absence de séparation entre l’État et les religions, cette « Communauté du culte israélite » (traduction littérale) entend décider de ce que doit être la bonne culture juive. A cause de deux films, que les dirigeants de l’IKG reconnaissent d’ailleurs ne pas avoir vus (Brit/convenant, sur les sentiments de femmes orthodoxes vis-à-vis de leur bébé, avant la circoncision, et Fucking different Tel Aviv sur la vie et les amours dans cette ville), le directeur du festival n’a pas eu le droit d’acheter un encart publicitaire pour annoncer les dates du festival dans le mensuel de la communauté, ni d’envoyer (aux frais du festival bien sûr) le programme aux abonnés du mensuel. Excédées par cette forme insidieuse de censure, dont le magasine profil s’était fait l’écho, environ 200 personnes ont signé une pétition pour exiger plus de tolérance, pour que le Secrétaire général aux affaires juives de l’IKG, M. Fastenbauer, ne donne plus d’entretien au nom de la communauté dans les journaux, pour que la liberté artistique soit respectée.

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19 janvier 2011 Posted by | Cinéma, Israel, Judaïsme, Uncategorized | , , , , , , , , | Un commentaire

Contre le monopole de la culture juive à Vienne

Fünf Seiten in der Gemeinde Nr. 683, Dez. 2010, S. 8-12 (S. 8-9, 10-11 u. 12)+ Stefan Grissemann, « Mehr als eine Religion« , profil, 10.1.2011

Le Festival du film juif de Vienne débute mercredi 24 novembre mais, comme souvent, il fait déjà parler de lui. L’hebdomadaire profil a sorti le 22 novembre un article intitulé « Mise sous tutelle de la part de la communauté » (ci-contre). En janvier 2009, j’avais consacré un billet aux relations difficiles entretenues par ce festival (que je soutiens activement) avec la représentation officielle de la communauté juive en Autriche (IKG). Dans une tribune publiée dans le mensuel de l’IKG, M. Fastenbauer, “secrétaire général aux affaires juives” (sic) de cette institution, s’en prenait en des termes d’une violence inouïe aux organisateurs du festival. Selon lui, ce festival devrait s’appeler « Festival du film palestinien », simplement parce que sur les 35 films présentés, trois étaient (co-)réalisés par des Palestiniens.

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22 novembre 2010 Posted by | Cinéma, Judaïsme, Laïcité, Uncategorized | , , , , , | 3 commentaires

L’invention du peuple juif… à Vienne (The invention of the Jewish people… in Vienna)

 

Vienne, 13 octobre 2010

 

see below in English!

Bravo ! Un grand bravo au Bruno Kreisky Forum (et à la fondation Karl Kahane) pour avoir organisé cette conférence : l’historien israélien Shlomo Sand est venu parler de son livre Comment le peuple juif fut inventé, à Vienne, dans la ville où vécut Theodor Herzl, le père du sionisme. La salle était comble et cela faisait plaisir de voir qu’il n’y avait pas de réactions d’hostilité trop fortement marquées. Seules quelques personnes semblaient trépigner sur leur siège et deux femmes ont interrompu l’orateur, sans agressivité. Selon les organisateurs, un tel débat, ouvert au public, n’aurait pas pu avoir lieu à Vienne, il y a encore un an. Même en mai dernier, lorsque l’IWM a invité le journaliste Roger Cohen, sachant que ce dernier allait critiquer Israël, la conférence n’était réservée qu’à des invités triés sur le volet (cf. ce billet). Depuis, il y a eu l’affaire de la flottille (cf. l’entretien que j’ai donné à la Bayerische Rundfunk le 7 juin dernier), la reprise de la colonisation, l’allégeance imposée par Nétanyahou à « l’Etat juif », la critique de l’État d’Israël devient autorisée, sans que l’on soit tout de suite taxé d’antisémitisme.

Mais de quoi parlait donc ce sulfureux Shlomo Sand ?

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14 octobre 2010 Posted by | Judaïsme, Uncategorized | 18 commentaires