Le nouvelle « loi israélite » en Autriche
En Autriche, quinze religions sont officiellement reconnues, avec des lois spécifiques pour chacune. Ainsi, c’est essentiellement la loi de 1912 qui régit les liens entre les représentants de la religion musulmane et l’Etat. La loi concernant le judaïsme (Israelitengesetz) date de 1890, elle est actuellement en cours de remplacement par une loi plus avantageuse pour les Juifs, même si la diversité des courants du judaïsme risque d’être négligée. De nombreux billets de ce blog commentant le soutien de l’Etat autrichien au catholicisme, il me paraissait nécessaire de faire état de quelques aspects de cette nouvelle loi qui peuvent sembler étonnants.
- § 8 Les membres de la communauté juive peuvent disposer de rabbins dans les hôpitaux et prisons, payés par l’Etat.
- § 9 A partir de trois élèves juifs dans une école, publique ou privée, des cours de religion juive doivent être proposés. Le contenu des cours est uniquement déterminé par la communauté religieuse (alinéa 2).
- §10 L’Etat s’engage à assurer le respect de treize (!) jours fériés annuels (quatre jours pour Pesach, deux jours pour Roch Hachana, Souccot et Chavouot et un jour pour Yom Kippour, Chemini Atseret et Sim’hat Torah). Pendant ces journées, ainsi que tous les chabbats, tous les « bruits évitables » et autres actions qui pourraient causer des nuisances sont strictement interdits.
- §12 La communauté a le droit de produire de la viande kascher et ses membres ont le droit d’en exiger à l’armée, dans les prisons, hôpitaux et écoles.
- §14 L’Etat autrichien va verser 308 000 euros, chaque année, à la communauté juive, et indemnisera les 23 membres de la commission dirigeant la Communauté israélite (Israelitische Kultusgemeinde), finançant le salaire qu’ils auraient dû toucher ailleurs [NDJS, pour information, le budget annuel de la Communauté juive est de plus de douze millions d’Euros, essentiellement grâce aux biens immobiliers qui appaortent deux tiers du budget].
- §19 Les tombes des cimetières juifs seront considérées comme étant à concession illimitée [NDJS, voir ce billet].
Les Juifs libéraux de la communauté Or Chadasch ne font pas automatiquement partie de l’IKG car ils sont parfois convertis, par des rabbins non reconnus par les orthodoxes. Craignant que cette nouvelle législation donne tous les pouvoirs (et tout l’argent de l’Etat !) à l’IKG, ils ont obtenu qu’aux dix points concernant les tâches de la communauté juive, un onzième soit ajouté, sur le devoir de représentativité des différentes tendances (« angemessenen Vertretung aller innerhalb der Religionsgesellschaft bestehenden Traditionen »).
On compte en Autriche environ 10 à 20 000 Juifs (contre 200 000 en 1938, un tiers ont été exterminés), dont 7500 au sein de l’IKG, la représentation officielle de la communauté juive en Autriche. Pour être reconnu comme Juif au sein de l’IKG, il faut vérifier les conditions posées par la loi juive traditionnelle, la Halakha, selon laquelle une personne est juive si elle s’est convertie auprès de rabbins orthodoxes ou si sa mère est juive (les membres d’Or Chadasch ne sont donc pas tous reconnus par l’IKG). Cette définition éminemment sexiste et logiquement inconsistante (car récursive), suppose qu’un document religieux puisse attester de la judaïté d’une mère, grand-mère maternelle, ou arrière-grand-mère (toujours du coté maternelle). Lorsqu’on est membre de l’IKG, on reçoit automatiquement toutes les revues juives autrichiennes (nu, wina, Illustrierte Neue Welt, David, Die Gemeinde insider., Shalom… qui sont elles-même largement financées par des encarts de la part de la plupart des ministères, gouvernements régionaux, syndicats ou mairies, en vertu d’un philosémitisme douteux). Des annonces sont aussi régulièrement envoyées, avec des réductions (par exemple pour un hôtel) si l’on est membre de l’IKG. Enfin, lors des élections au sein de l’IKG, des différences sont faites entre les membres : les membres de l’IKG autrichiens ont le droit de vote après 6 mois, les Européens au bout de deux ans et les étrangers non-européens, au bout de quatre ans (cf. §75 des statuts) ! Les élections sont prévues en novembre et selon le vieil adage « deux Juifs, trois avis », les discussions vont déjà bon train au sein de la communauté et même au-delà.
Sources :
- « Jüdisches Leben in 25 Paragrafen« , par Alexia Weiss (site du Wiener Zeitung)
- « L’Eglise catholique reçoit entre 1,5 et 3 MILLIARDS d’Euros par an, de la part de l’Etat autrichien » (dans cet article de ce blog).
- « Des cimetières juifs toujours à l’abandon… » (sur ce blog)
- « Contention and Discontent Surrounding Religion in Austria« , Austrian Studies, Vol. 19, 2011, pp. 52-67(issue « The Austrian Noughties: Texts, Films, Debates », guest-edited by Allyson Fiddler, Article written with Ian Mansfield.
- « La culture juive en Autriche, absence de présence et présence de l’absence« , Les Temps Modernes, mai-juillet 2009, pp. 90-98
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