De Christchurch à l’Autriche, la même “bête immonde”
Le suprématiste blanc adepte des thèses de Renaud Camus sur le « grand remplacement » qui a assassiné en mars dernier 50 musulmans à Christchurch, a versé 1500 EUR aux identitaires autrichiens, tout en finançant également les identitaires français, pour ainsi dire la maison mère. Or, en Autriche, les liens entre les identitaires et le parti d’extrême droite actuellement au pouvoir avec les conservateurs, le FPÖ (parti libéral d’Autriche), sont clairement établis. Le vice-chancelier Heinz-Christian Strache tente désespérément depuis le début du mois d’avril de se désolidariser des identitaires, tout comme l’ensemble des cadres du parti, ce qui donne lieu à des entretiens assez cocasses, notamment dans l’émission politique ZIB2 du 2 avril dernier (tellement cocasses que sentant qu’ils avaient là une pièce d’anthologie, le site Stoppons l’extrême droite a décidé d’en publier la retranscription intégrale).
Le présentateur de l’émission, Armin Wolf, avait invité M. Strache mais ce dernier avait décliné, préférant envoyer au front Walter Rosenkranz, responsable du groupe parlementaire du FPÖ au parlement autrichien (ce dernier, membre de la corporation Moldavia, était déjà au centre du billet de ce blog consacré à une Plongée au sein d’une corporation étudiante autrichienne d’extrême droite). M. Wolf a d’abord interrogé le député d’extrême droite sur la revue Info Direkt qui fait office d’organe de presse des identitaires. Dans un article daté du 28 mars, la revue appelle à se montrer solidaire des identitaires, et plus précisément leur chef, Martin Sellner. Sur le plateau, M. Rosenkranz explique que son parti n’a rien à voir avec cette revue… et M. Wolf lui précise que la revue appartient à trois personnes, dont deux cadres du FPÖ en Haute-Autriche ! L’un est chef du bureau de l’adjoint au maire de Linz chargé des transports, l’autre est chargé des questions politiques au niveau du Land. Réponse de M. Rosenkranz : c’est la « liberté des journalistes ».
Les identitaires ont deux sièges en Autriche, l’un à Linz, l’autre à Graz. A Graz, c’est un autre cadre du FPÖ qui siège au conseil municipal et qui fait partie de l’association des « Akademiker » du FPÖ (ceux qui ont fait des études), qui loue le local aux identitaires. Réponse de M. Rosenkranz : « C’est le droit locatif en Autriche » et ajoute « l’orientation politique ou idéologique d’un locataire ne peut être une raison pour mettre un terme à son bail, il n’y a pas de ça chez nous. » Il en va de même à Linz : la villa où se retrouvent les identitaires appartient à une confrérie étudiante d’extrême droite proche du FPÖ. En 2016, c’est Herbert Kickl, l’idéologue du FPÖ, qui était l’invité vedette du congrès des identitaires organisé sur « les défenseurs de l’Europe ». Aujourd’hui, il est ministre de l’intérieur et c’est son ministère qui est chargé de décider si le mouvement des identitaires doit être dissout ou pas ! Rappelons qu’en février 2018, une unité de la police autrichienne, dirigée par un cadre du FPÖ, avait mené une razzia nocturne dans les locaux du Service de renseignement intérieur et en avait fait disparaître des documents de la cellule en charge de la lutte contre l’extrême droite… En conséquence, les services de renseignement européens refusent de partager les informations sensibles avec leur homologue autrichien (en Allemagne, même le Bild Zeitung s’en est fait l’écho).
Depuis, chaque jour apporte de nouvelles révélations sur la nature des identitaires (pour celles et ceux qui auraient des doutes), et bien sûr sur le niveau d’imbrication effarant du FPÖ dans ce mouvement. Le 5 avril on apprenait qu’il y a quelques années le chef actuel des identitaires, Martin Sellner, avait été condamné à 100h de travaux d’intérêt général pour avoir collé des croix gammées sur la synagogue de Baden, non-loin de Vienne. Quelques jours plus tôt, on découvrait qu’à un congrès prévu le 6 avril en Finlande avec un des identitaires autrichiens, Martin Semlitsch (alias Martin Lichtmesz) on trouve aussi, sur le programme, de véritables néonazi.e.s comme Olena Semenyaka qui posait devant un drapeau de l’Autriche redessiné avec une belle croix gammée. Martin Semlitsch est d’ailleurs le traducteur en allemand du livre Le grand remplacement, d’un certain Renaud Camus…
Triste consolation, le massacre de Christchurch aura permis à certain.e.s de découvrir la nature profonde de l’extrême droite autrichienne. Précisons que l’extrême droite est au gouvernement avec les conservateurs et que ceux-ci n’ont rien trouvé à redire à ces imbrications entre leur partenaire de coalition et ce qu’il faut bien appeler, les néonazis identitaires.
Pour aller plus loin :
- Du nazi Murer à l’identitaire Sellner, « Österreich über alles ? » (sur ce blog)
- Controverse au sujet de la part des Autrichiens dans l’appareil nazi (sur ce blog)
- Et en allemand, « Herbert Kickl und seine Gleichgesinnten ».
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