Le petit flambeau

L'Autriche vue par un universitaire français…

Une semaine de cristal

Theodor Herzl

Depuis une semaine, les échanges sont vifs au sujet de la rénovation du Musée juif de Vienne. Depuis quinze ans, l’un des clous de la collection permanente de ce musée était une série de vingt-et-un hologrammes représentant des aspects de la vie juive en Autriche ou des portraits de personalités comme Theodor Herzl ayant marqué l’histoire du judaïsme en Autriche. Ces hologrammes avaient été conçus par la commissaire d’exposition Felicitas Heimann-Jelinek, actuellement encore directrice des collections du musée, et l’architecte Martin Kohlbauer. Ces hologrammes étaient particulièrement intéressants car ils symbolisaient bien la complexité du regard sur le passé juif du pays. Ce que les visteurs voyaient dépendait de la perspective dans laquelle ils se plaçaient et ces images étaient immatérielles, présentes et absentes en même temps (lire à ce sujet « La culture juive en Autriche, absence de présence et présence de l’absence« , Les Temps Modernes, mai-juillet 2009, pp. 90-98).

Avant…

… Après !

La  nouvelle directrice, Danielle Spera, en fonction depuis juillet 2010, avait fait part de son intention de se débarrasser de ces hologrammes, considérés comme une « technologie dépassée », et non comme des oeuvres en soi. Sous prétexte d’une difficulté technique pour préserver les hologrammes et les déposer ailleurs lors de la réorganisation complète des lieux d’exposition… ceux-ci ont été tout simplement brisés. La photo ci-contre est assez traumatisante, car le symbole du verre brisé reste fort à Vienne lorsqu’on évoque le passé juif. Dans une lettre ouverte, 25 directeurs de musée et autres historiens ont critiqué cette destruction.  Dans la liste des institutions représentées, on retrouve la plupart des musées juifs en Europe (Munich, Paris, Bruxelles, Francfort, Berlin…). Ils rappellent le travail pionnier accompli par les concepteurs de cette collection d’hologrammes et insistent sur la nécessité, par pricnipe, de préserver les expositions (leur lettre est ici).

Autre fait intéressant, Mme Spera vient du milieu des médias et la plupart des articles reprennent, sans la vérifier, la thèse selon laquelle il était techniquement impossible de préserver les hologrammes. Le blog d’un muséologue et historien de l’art, Gottfried Fliedl, a permis de faire entendre d’autres voix (ici sur l’aspect technique) et, à l’issue de cette semaine de cristal, son blog est devenu une véritable encyclopédie sur le sujet.

La réaction du musée n’a pas été à la hauteur de l’indignation suscitée : ce n’est qu’après avoir brisé les 21 hologrammes qu’elle a appelé au dialogue (« Danielle Spera bietet Kritikern Gespräch an ») et, décidant d’exposer un hologramme de la collection qui était destinée aux autres musées (hologramme de moindre qualité) sous le titre « L’histoire d’un énervement autrichien » ( „Die Geschichte einer österreichischen Aufregung“), du 16 au 20 février, la directrice a expliqué (article du Standard ci-dessous), que cette exposition devait servir à « se souvenir d’une technologie vieillie »… Décidément, l’incompréhension demeure !

PS/ Le 11 mars, le directeur administratif du musée, Peter Menasse, a dû démissionner après avoir dénigré les opposants à la direction du musée à l’aide d’un slogan nazi. Il a déclaré « leur honneur c’est la fidélité » (« Ihre Ehre heißt Treue »), allusion directe à « Meine Ehre heißt Treue« , devise de la SS (cf. cet article du Standard).

Sources :

18 février 2011 - Posted by | Autriche, Uncategorized | , , , ,

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