L’extrême droite en Autriche, diabolisation et dédiabolisation
Plus de 35% au premier tour des élections présidentielles, le Front national en a rêvé, le « Parti libéral autrichien » (FPÖ) l’a fait. Mieux encore, ce parti nationaliste est en bonne voie pour ravir le poste de président de la république alpine. Contrairement à ce que l’on peut lire dans certains journaux, le poste de président n’est pas purement honorifique en Autriche : selon la constitution de 1929 encore en vigueur car réactivée en 1945, le président fédéral est non seulement le chef des armées mais il peut aussi dissoudre le Parlement ou destituer le gouvernement. Élu pour six ans, c’est lui qui nomme le chancelier et valide le choix de ce dernier lorsqu’il forme un gouvernement. Jusqu’à présent, le président ayant toujours été membre des deux partis qui se partagent le pouvoir depuis l’après-guerre, les sociaux-démocrates du SPÖ et les conservateurs de l’ÖVP, le président a toujours renoncé à ses pouvoirs, laissant le chancelier gouverner et se contentant de quelques déplacements dans le cadre de la politique étrangère ou de déclarations sur des sujets de société, un peu comme le fait le président du grand pays voisin, l’Allemagne. Cette fois-ci, les partis de gouvernement ont été laminés (SPÖ à 11,3%, ÖVP à 11,1%). Une première explication du vote est bien entendu le rejet de la grande coalition au pouvoir depuis 2007, d’abord sous le chancelier Gusenbauer, puis de 2008 à mai 2016 sous la houlette de Werner Faymann qui a abandonné ses fonctions le 9 mai dernier, démissionnant de la présidence du SPÖ et du poste de chancelier. Depuis la création de la Seconde république, en 1945, il y a d’ailleurs toujours eu une « Große Koalition » au pouvoir, sauf sur les périodes 1966-1987 et plus récemment 2000-2006, lorsque les conservateurs ont gouverné avec le FPÖ dirigé par Jörg Haider (1950-2008). Lire la suite
Marine Le Pen à Vienne, suites judiciaires à Paris
Où l’on reparle des néonazis autrichiens dans un tribunal parisien…
Le 27 janvier 2012, Marine Le Pen se rendait à Vienne au bal de la fédération des corporations pangermanistes auquel chaque année se retrouvent des leaders des partis d’extrême droite mais aussi des personnes qui propagent des idées négationnistes ou néonazies (cf. cet article que j’avais publié sur rue89). La venue de Mme Le Pen à ce bal nauséabond, en pleine période électorale, avait suscité de très vives réactions. Le président de SOS Racisme, Dominique Sopo, avait été parmi les premiers à réagir, après lecture des dépêches AFP. Son communiqué du samedi 28 janvier témoignait de son indignation, il était question d’un « bal antisémite » rassemblant des « nostalgiques du Troisième Reich ». D’autres articles, parus dans la plupart des médias, étaient formulés de manière plus policée mais portaient le même message : alors que Mme Le Pen s’employait à dédiaboliser son parti, elle venait de donner des gages aux franges les plus radicales de son électorat. Mme Le Pen choisit alors le 14 février 2012 de porter plainte en diffamation non pas contre les journaux, avec lesquels il n’était pas bon de se fâcher à quelques mois des élections présidentielles, mais contre M. Sopo. C’était une première car souvent ce sont les associations de la société civile qui ont attaqué le Front National pour incitation à la haine raciale.
Au Tribunal correctionnel de Paris, le 15 mai 2014 (après de nombreux renvois) l’avocat de SOS Racisme, Patrick Klugmann, était confiant, pensant que la bonne foi de son client lui permettrait de ne pas être condamné. Lire la suite
Le nouveau bal des fachos
Cette année, il n’y avait pas de « WKR Ball », ce bal des corporations étudiantes d’extrême droite où Marine Le Pen était invitée l’an dernier (cf. ma tribune à ce sujet sur rue89). Depuis 2008 d’importantes manifestations étaient organisées contre ce bal – « importantes » au regard de la culture protestataire autrichienne (cf. mes comptes-rendus en 2012, 2011 et 2010). Devant l’ampleur des protestations internationales, et surtout car l’image de l’Autriche était écornée, la société privée qui loue la Hofburg, équivalent de l’Elysée à Paris, avait décidé que le ramassis de (néo)nazis qui se pressaient chaque année à ce bal n’occuperait plus ce lieu prestigieux et ô combien emblématique. En réaction, c’est le principal parti d’extrême droite, FPÖ de Heinz-Christian Strache, qui avait décidé de prendre officiellement en charge l’organisation du bal, renommé « Akademikerball » (la page web du WKR Ball renvoie d’ailleurs simplement vers celle de l’Akademikerball). Prétextant que le FPÖ était un des six partis représentés au Parlement, la Hofburg-Betriebsgesellschaft n’a plus eu aucune hésitation pour louer la Hofburg à l’internationale des néonazis et autres négationnistes. La date du 1er février, d’abord, avait fait l’objet de manœuvres peu avouables de la part de cette société de location : à la fédération des cafetiers qui organisent depuis 1956 le « Kaffeesiederball », l’un des plus prestigieux du pays, la représentante du service de location de la Hofburg , Renate Danler, a déclaré que la date si convoitée du 1er février (début des vacances pour les écoliers viennois et les étudiants) était déjà attribuée à l’université de sciences agronomiques qui – comme toutes les universités ou lycées – organise aussi son bal. Quelques jours plus tard, Mme Danler a fait savoir aux responsables de cette université qu’en fin de compte la date était attribuée au FPÖ ! En même temps, elle déclarait au quotidien Der Standard qu’un bal n’avait « rien de politique ». Lire la suite
Le 8 mai en Autriche…
« C’est pas férié chez vous, le 8 mai ? » C’est souvent ce qu’on me demande à l’approche du 8 mai, depuis près de 7 ans que je vis en Autriche. Lorsque je vivais en Allemagne (1994-2000), c’était la même chose mais ma réponse était simple, « non, ici il n’y a rien le 8 mai, mais cela devrait effectivement être férié, comme jour de la Libération ». En Autriche, hélas, il y a bien quelque chose le 8 mai : les Burschenschaften (corporations pangermanistes) se réunissent sur la Heldenplatz pour pleurer la fin de la guerre (La Heldenplatz c’est la « Place des héros », la place la plus emblématique de Vienne, celle-là même où Hitler fut accueilli en grande pompe le 15 mars 1938). Tout ce que l’Autriche compte de néonazis se recueille lors d’une marche aux flambeaux, pour honorer les pauvres soldats et membres de la SS, morts pendant la guerre. Cette année, ils appelaient pour la première fois à honorer « toutes les victimes », mais personne n’était dupe. Une contre-manifestation était organisée par les jeunes socialistes, les Verts et la représentation officielle de la communauté juive d’Autriche (l’IKG). De nombreux « autonomes » et antifascistes se sont joints à cette contre-manifestation. La police s’est interposée entre les néonazis et ces sympathiques manifestants. Autriche, terre de contrastes.
Malaise autrichien – Unbehagen in der (österreichischen) Kultur
Hier unten auf Deutsch, ein Austausch mit Klaus Hipfl, ORF-Redakteur in der Abteilung Fernsehfilm (mit seiner Genehmigung).
La première autrichienne du film israélien Defamation (de Yoav Shamir, produit par Knut Ogris) a eu lieu à Vienne le 20 janvier au soir. La participation de l’Autriche au financement du film, tout comme le débat organisé à l’issue de cette projection, témoignent d’un malaise palpable vis-à-vis d’Israël et du génocide juif.
Le film est problématique car il aborde deux sujets délicats, sans donner les moyens à tous les spectateurs d’en saisir les enjeux. Plus embêtant encore, des propos tenus dans le film risquent d’alimenter un antisémitisme qui, en Autriche, est déjà bien présent (29% pour une extrême-droite ‘décomplexée’, lors des dernières élections législatives de septembre 2008 et un troisième président du Parlement, Martin Graf, qui ne cache pas son appartenance à Olympia, un groupuscule néo-nazi).
De quoi s’agit-il dans ce film ?
Du bleu au brun (*)
Des attachés parlementaires qui commandent à leur bureau des articles néo-nazis comme ce beau T-shirt noir, vous trouvez ça normal ? Le signe 88 qui figure sous l’aigle du Reich est un grand classique, il correspond à la huitième lettre de l’alphabet, répétée deux fois, et signifie « Heil Hitler ». Les ultras du club de foot Rapid, ceux qui partagent avec les Boulogne Boys du PSG la curieuse propension à lever le bras droit dans les stades, se nomment ainsi « Rapid88 ». Un de ces attachés parlementaires du FPÖ – parti dit « libéral », en réalité le plus grand parti d’extrême-droite (dirigé par H.-C. Strache), 17,5% aux dernières législatives du 28.09.08 – a d’ailleurs indiqué « Ostmark » dans son adresse de livraison, dénomination de l’Autriche à l’époque nazie (Cf. Profil, 19.1.09).Avec le BZÖ de Jörg Haider, l’extrême droite avait obtenu plus de 28% des voix et les sondages estiment à 42% le pourcentage de voix brunes chez les hommes de 16 à 30 ans (cf. mon billet au sujet de ces élections – à ces élections le droit de vote était abaissé à 16 ans).
Un tramway pas vraiment nommé désir
La veille de la fête nationale, le 25 octobre dernier, quelques lignes de tramways ont été modifiées, notamment les lignes 1 et 2 qui faisaient le tour du Ring. Lors du dernier tour, le chauffeur du tram commentait ce moment historique avec son tram « en orbite » autour du Steffl (nom viennois du Stephansdom)… et il a clos son intervention par un « SIEG HEIL » bien audible.
La vraie nature du FPÖ que soutient un député conservateur juif
Se présentant comme « first active Jewish post-war Austrian MP » dans la première ligne d’une tribune publiée dans le quotidien Haaretz, Martin Engelberg entend soutenir la coalition conduite par Sebastian Kurz, du parti conservateur ÖVP, avec le Parti de la liberté conduit par Heinz-Christian Strache. Le titre est éloquent « Ne faites pas de fixations sur le Parti de la liberté. En Autriche aujourd’hui la véritable menace antisémite vient des musulmans, pas des nazis. ». Dans cette tribune (PDF) il explique en effet que si le FPÖ a bien des origines nazies, ce parti ne serait aujourd’hui plus antisémite, la haine contre les Juifs venant exclusivement, selon lui, des musulmans vivant dans le pays. Pas étonnant que sa tribune ait été reprise et appréciée sur des sites néonazis comme Stormfront ornant toutes ses pages d’un bel écusson « White pride worldwide » (ici).
Heureusement, deux réponses ont été publiées dans Haaretz, Lire la suite
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