Une alternative à la grève

(c) Wiener Linien
En Autriche comme en Allemagne, le dialogue social est pris au sérieux. Alors qu’en France, il est d’usage de se mettre en grève avant toute négociation, dans les pays germaniques la grève est considérée comme le dernier recours. Récemment, des conducteurs de tram ont été agressés à Vienne. Bien que les chiffres restent très en-deçà de ce qu’on peut connaître à Paris, Lyon ou Marseille, des actions intéressantes on été mises en place (même si le réseau est plus réduit, on a compté officiellement à Vienne « que » 77 agressions de conducteurs en 2013, agressions qui vont de crachats ou insultes aux coups et blessures).
En avril 2014, une réunion interne avait été organisée, créant pour la première fois depuis 10 ans que je vis à Vienne un long (?) dysfonctionnement du service aux voyageurs : de 4h à 6h30 du matin, une grande partie des bus, trams et métros étaient restés aux dépôts pour permettre aux employés de se rendre à cette réunion (à 5h du matin la réunion !). La veille, un affichage exhaustif prévenait les voyageurs et un service minimal était organisé avec des compagnies de bus privées, assurant aux usagers des intervalles de 7,5 à 15 minutes. Tous les journaux avaient décrit en détail les alternatives proposées aux usagers et le mot ‘grève’ était absent des articles (voir par exemple dans le Standard).
Suite à cette réunion, deux millions ont été débloqués pour la sécurité dans les transports en commun mais les conducteurs de matériel roulant ont tout de même tenu à mettre en place une nouvelle action, soutenue d’ailleurs par la maire-adjointe aux transports. Le vendredi 13 juin à 11h, conformément à l’affichage présent depuis les trois jours précédents (cf. ci-dessous), tous les bus, trams et métros se sont figés pendant trois minutes (oui, 180 secondes !) aux arrêts les plus proches et cette annonce a été diffusée : « Des employé-e-s des Lignes Viennoises subissent sans cesse d’odieuses attaques. Cela n’est pas admissible. S’il vous-plaît, soutenez les employé-e-s des Lignes Viennoises si vous observez une situation problématique. » (en allemand et bien sûr aussi en anglais, on n’est pas à Paris un jour de grève !).
Les passagers étaient invités pendant cette semaine à porter un badge de solidarité avec les conducteurs, un programme en cinq points a été mis en place, une enquête a été réalisée auprès des usagers et une vidéo diffusée sur YouTube. Un blog permet en outre de centraliser au fil du temps tous les témoignages liés à la violence et de discuter des incidents.
N’y a-t-il pas là des pistes de réflexion à étudier pour les transports en commun français ? Notons par exemple qu’à Vienne les conducteurs ne sont pas chargés du contrôle des titres de transport (ce qui diminue l’animosité à leur égard) et que la politique tarifaire est bien plus généreuse avec les Viennois que dans toutes les autres capitales européennes que je connais : une carte annuelle coûte 365 EUR (224 EUR pour les seniors, 75 EUR par semestre pour les étudiants) et les enfants voyagent pendant les vacances gratuitement (pour l’année, une carte annuelle à 60 EUR leur permet d’utiliser tous les transports et même les trains pour aller en Basse-Autriche et dans le Burgenland). Même si les Verts avaient promis mieux avant leur alliance avec les sociaux-démocrates (d’où ce billet faisant état de ma déception), force est de reconnaître que la qualité des transports en communs viennois fait partie des nombreuses raisons qui expliquent que la ville soit classée, année après année, à la tête du classement mondial des villes ayant la meilleure qualité de vie (voir cet article ou ce billet sur ce blog).
Sources et compléments
- „Drei Minuten Stillstand: Wiener Linien stoppten Öffis gegen Gewalt“, Der Standard, 13.6.2014
- « L’insécurité dans les transports urbains », Connexions, 2006, parties 1 et 2.
- Sur ce blog : « Une politique rouge-verte des transports… bien décevante ! »
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un article quelque peu mal approprié en période de casse de l’image des grévistes en France ..
alors certes, les grève » c’est chiant », « c’est l’utilisateurs qui pâtie », « ça ne sert à rien », « encore ces fonctionnaires » etc etc … voilà ce qu’on peut entendre au détour des métros parisien..
Alors oui c’est vrai les germaniques préfère le dialogue à la lutte frontale, regardons où cela les à mener : toujours plus de « flexibilité » (précarité en novlangue orwelienne) de l’emploi, des horaire de travail à rallonge, un SMIC bien en dessous de la France, une industrie toute puissante, des financiers aux dents longues qui n’hésite pas à aller investir dans le libéralisme sauvage en Europe et ailleurs. bref, l’Allemagne ( et l’Autriche) ne sont pas des exemples en matière de sociale.
alors oui Vienne, (pour y avoir vécu 1 an) à un transport en commun très efficace, pas cher et agréable. cependant on ne peut comparer deux villes au densités diamétralement opposé.
Ce qui se passe en France est grave, on cours vers la privatisation des transports (usage) pour un entretient au dos des impôts. c’est grave car les chauffeurs deviennent des contrôleurs (en faisant monter les gens par l’avant), l’usager devient guichetier, guide, contrôleur.
Alors oui certaines personnes en France dont je fais parti soutiennent les luttes des grévistes pour préserver nos droits si durement acquis.
quand au nouvelle formes de lutte, certes il faudrait que le « peuple » soutienne la cause, mais que voulez vous, nous somme à l’air de l(a)'(dés)information, une aires ou chaque personne qui ose bouger pour sauver les restes se fait matraquer médiatiquement (et physiquement)
s’il vous plaît, ne rentrez pas dans leurs jeu.
je finirais par ceci : TRANSPORT GRATUIT POUR TOUS(TES) au frais du contribuable !!!
revenons a une économie saine qui sort des dogmes mercantiles
L’Autriche offre une meilleure protection sociale. A titre d’exemple, le RSA est de 499,31 EUR en France, contre 813,99 EUR en Autriche pour la Mindestsicherung.
Je ne fais pas l’éloge du système autrichien en général et j’ai consacré de nombreux articles à critiquer ce système socio-économique. Voir par exemple « Peu de chômage, certes, mais…« , « Une autre forme d’esclavage moderne » et même en anglais « Austria’s wealth, Austria’s exploitation of its neighbouring countries« .
Enfin, je suis moi aussi pour la gratuité des transports en commun (cf. cet article) mais je récuse l’expression que vous utilisez, « contribuable » (qui sent le poujadisme), comme si l’impôt sur le revenu était la recette principale de l’Etat. Vous qui entendez sortir des dogmes mercantiles, je vous propose de remplacer « contribuable » par « citoyen ».
Moi, je voudrais voir les chiffres : quel pourcentage de personne syndiquée en France et en Allemagne / Autriche ? Car avec un taux de (plus ou moins ) : 7% pour la France contre 27% pour l’Autriche et 20% pour l’Allemagne, j’espère que vous comprenez que le poids des syndicats quand ils parlent, n’est pas le même…
Source des taux : http://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=UN_DEN&Lang=fr#
En comparant la France et l’Autriche, on voit les ravages d’une société libérale permissive post-soixante-huitarde. « Il est interdit d’interdire », on voit les résultats dans les transports publics en France…
Dieu se rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en chérissent les causes