Autriche – Le plus grand crime de la Seconde République
Les enfants dont il est question sont les anciens pensionnaires des foyers autrichiens. Ils ont aujourd’hui 35 à 70 ans et pour la première fois dans l’histoire du pays, ils ont manifesté pour réclamer leur droits. Rassemblés sur l’emblématique Stefansplatz où trône la cathédrale Saint-Etienne, le cortège d’environ 100 personne s’est rendu au siège du SPÖ (le parti social-démocrate) puis devant le Parlement. Un livre de Hans Weiss, Tatort: Kinderheim, que l’on pourrait traduire par Scène de crimes, les foyers d’enfants en Autriche, sorti en septembre 2012, permet de dresser un bien sombre tableau. Environ 100 000 enfants sont passés en Autriche, après la Seconde Guerre mondiale et jusqu’aux années 1980 par les foyers d’enfants. La plupart étaient des enfants non désirés, parfois nés de père inconnu. Depuis deux ans, les révélations se succèdent et des récits d’une cruauté extrême commencent à émerger. Le livre de Hans Weiss se base sur 45 témoignages concernant 135 foyers. Il y est question de viols (collectifs ou pas), de mutilations, d’expériences médicales (pour le traitement de la syphilis à partir de contaminations volontaires au paludisme), d’humiliations systématiques, de travail forcé… et d’une impunité totale. Que ce soit dans les foyers gérés par l’État ou dans ceux qui dépendaient de la très puissante Église catholique, la cruauté était la même… et il est intéressant de constater que les sévices sexuels étaient surtout l’apanage des foyers catholiques.
Depuis deux ans, quelques petites commissions d’enquêtes ad hoc ont été mises en place, pour différents foyers, mais aucune instance nationale ne permet aux victimes de faire valoir leur droit. C’était là une des principales revendication des manifestants, avec la délicate question de la prescription. Dans bien des cas, il s’avère que les experts psychiatres rattachés aux différents foyers occupaient les mêmes fonctions à l’époque nazie. De nombreux directeurs de foyers ne se cachaient pas d’avoir appris dans la Wehrmacht les sévices qu’ils faisaient subir aux enfants. A ce jour, seuls 2500 d’entre eux ont été reconnus comme victimes, bénéficiant d’un dédommagement (déduit du montant de l’aide sociale pour les plus pauvres) ou d’un suivi psychologique. Deux entreprises autrichiennes très connues dans le pays, Darbo (confitures) et Swarovski (produits en cristal) ont reconnu avoir bénéficié pendant des décennies du travail forcé des enfants. Darbo a fièrement a annoncé début septembre que deux (!) anciennes victimes seront indemnisées, même si l’entreprise avait à l’époque versé de l’argent au Tyrol pour ce travail (argent que les enfants n’ont jamais reçu).
La encore, comme dans la lutte contre l’extrême droite ou l’islamisme, ce sont les Verts qui mènent le combat. Dans une allocution remarquée le député Albert Steinhauser a exigé lors de la manifestation que le Parlement se saisisse enfin de ce dossier… dans lequel les responsabilités des sociaux-démocrates et des chrétiens-démocrates sont écrasantes (les premiers dans les homes d’enfants gérés par la ville de Vienne, les seconds dans les autres Länder). A Vienne, la commission dirigée par Barbara Helige pour enquêter sur l’histoire du foyer de Wilhelminenberg a produit trois rapports mais elle a fait état de blocages, les dossiers étant expurgés avant de lui être remis (sur ce foyer, cf. sur ce blog « Des méthodes nazies dans les foyers d’enfants jusqu’aux années 1970 ! »). On n’a pas fini (j’espère) de parler de ces crimes commis dans les foyers d’enfants…
Compléments
Mes photos de la manifestation, en ce 18 décembre 2012
Le livre de Hans Weiss, Tatort: Kinderheim.
L’avocat qui représente de nombreuses victimes, Johannes Öhlböck.
Associations de victimes
- Wir Heimkinder
- Victims Mission Charity
- Betroffen.at
- Association internationale, Ehemalige Heimkinder
Presse
- « Protest für die „vom Staat Vergessenen“« , Der Kurier, 18.12.2012 (compte-rendu du jour)
- Georg Hönigsberger, „Heimkinder gehen auf die Straße“, Der Kurier, 11.12.2012 et dans la même édition, „Wien schließt Kinderheime“ (la ville de Vienne prévoit 21 millions pour dédommager les enfants).
- „Demonstration am Wiener Stephansplatz“, Wiener Zeitung, 18.12.2012
- „Tatort Kinderheim »: Erziehungsheime waren ‚Zentren der Gewalt‘“, Der Standard, 17.9.2012
- „Tatort Kinderheim: Heime als ‚regelrechte Gulags‘“, Die Presse, 17.9.2012
- Jérôme Segal, « Sentier interdit aux curés… pédophiles !« , Le Monde libertaire, n° 1640, 16 juin 2011, p. 8
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Ah, Jérôme.. Vous finirez donc jamais… Soyez lucide : 100 personnes (j’ai l’impression qu’ils étaient moins) avouez que ce n’est pas une cause qui mobilise dans une ville de 1,5 millions d’habitants. Laissons la justice faire son travail (si c’est encore possible). Vous finirez par vous faire mal voir partout, et pas seulement dans le milieux diplomatiques français. Laissez l’Autriche se demm….er toute seule avec ses problèmes (pour autant qu’ils existent vraiment), ce pays qui est parmi ceux qui se débrouillent le mieux en Europe.
J’admire votre courage, Robert ! Il y a de nombreuses causes qui ne mobilisent pas les Viennois-es. La justice, justement, peine à trouver son indépendance. Le but de la vie n’est pas – de mon point de vue – de se faire « bien voir » (d’ailleurs de qui ?).
Ce n’est pas une question de courage, mais de lucidité. Une fois encore : que dirait-on en France, si un Autrichien expatrié passait son temps à nous rabâcher notre passé (la collaboration, les rafles, les camps danas le midi de la France, etc., etc.). ?
On dirait merci.
C’est utile et courageux de soutenir ceux qui veulent à juste titre être reconnus comme des victimes de pratiques innommables et couvertes par le silence de l’oubli ou de l’ignorance
Appel à témoin urgent:
Cher M.Roland Zavani,
Veuillez nous contacter, s’il vous plaît, dans le cadre de la recherche de vérité historique concernant le foyer pour enfants à Wimmersdorf en Autriche.
Allerdringlichster Aufruf zur Wahrheitsfindung!
Sehr geehrter Herr Roland Zavani!
Bitte, setzten Sie sich mit uns in Verbindung bezüglich historischer Wahrheitsfindung im Bereich und Zusammenhang des Kinderheim Wimmersdorf!
Bitte, um Ihre persönliche Aussage!
Email: peter.ruzsicska@gmx.at
oder
Email: ehem.Zoeglinge-Wimmersdorf@hotmail.com
Siehe auch: http://ruzsicska.blogspot.co.at/p/uber-die-geschichte-des-heimes.html
http://erziehungsheim-wimmersdorf.blogspot.co.at/
Mon cher Jérome,
Encore une fois merci pour cet excellent article, comme d’habitude tu excelles dans ton combat contre l’injustice, merci à toi. Pour répondre à tes détracteurs (**attaque ad hominem censurée**): on ne veut pas plaire à tout le monde, nous voulons rester sincères, et nous même, nous ne sommes pas comme certains qui sans diplômes d’ingénieur ou Docteur comme nous ont vendu leur âme pour se hisser P5 à l’ONU sans aucun background, merci Jérome et surtout ne renonce jamais, je (nous) sommes de tout coeur avec toi.
Vous avez parfaitement raison Florence. Et pour vous Robert, même si ils n’étaient que 2 à manifester, il est bon que quelqu’un s’occupe d’eux. Alors, bravo Jérôme.