Combattre les pauvres au lieu de combattre la pauvreté, grâce aux privatisations !
Cette année, dans la très catholique Autriche, on assiste comme d’habitude à l’éclosion programmée des marchés de Noël, les fameux « Christkindlmärkte ». Seulement, cette année, sur huit marchés, la vente du principal journal des sans-abris, Augustin, était interdite ! Fait intéressant, cette interdiction est une conséquence directe de la privatisation des espaces publics. En janvier, les principaux représentants des groupuscules d’extrême droite, les pangermanistes en tête, avaient pu se retrouver pour un bal d’un genre bien spécial dans la Hofburg, l’équivalent viennois du palais de l’Élysée à Paris (voir ce billet)… car c’est une société privée qui gère les lieux, la Wiener Kongresszentrum Hofburg Betriebsges.m.b.H. et – c’est bien connu – l’argent n’a pas d’odeur.
Dans le cas des marchés de Noël, la mairie de Vienne confie la gestion des marchés à deux entreprises spécialisées dans « l’événementiel » (‘Eventagentur MagMag’ et l’assocation pour le soutien des marchés, la «Verein zur Förderung des Marktgewerbes»). Ce sont ces organisations qui louent les emplacements à prix d’or aux artisans et sociétés qui occupent les stands… et il ne s’agit pas que le badaud dépense 2,50 € pour un journal alors qu’avec ça il pourrait acheter un demi-verre de vin chaud ou de punch ! Qui plus est, le public risquerait de ne pas apprécier les pauvres et rien qu’au marché de la mairie, sur la Rathausplatz, on attend TROIS MILLIONS de visiteurs, qui laissent en moyenne 20 € par visite.
Évidemment, la publicité donnée à cette interdiction cadre mal avec l’image qu’on peut se faire de la charité chrétienne (littéralement, les Christkindlmärkte sont les « marchés de l’enfant Christ »). Deux cents courageux, dont une vingtaine de vendeurs de l’Augustin, ont manifesté samedi 19 novembre, donnant un certain écho à leur indignation. Le titre de ce billet, « Combattre les pauvres au lieu de combattre la pauvreté », reprend un de leurs slogans, « Armut bekämpfen statt Arme bekämpfen! », mais « occupy Rathausplatz » faisait aussi partie des paroles scandées par les manifestants.
Cependant, à l’heure actuelle (20 novembre au soir), rien n’a vraiment changé, les marchés de Noël sont bien aseptisés et les pauvres en sont éloignés, les touristes peuvent venir.
Compléments
- Un article d’Augustin fait le point sur le plan économique : les deux sociétés qui louent les emplacements récoltent entre 7 et 10 000 € pour chacun des 150 stands. La chambre de commerce les soutient avec 250 000 € et au final, ce sont tous les apparatchiks du parti social-démocrate qui y trouvent leur compte.
- Un article dans le Standard sous la plume d’Irene Brickner
- Le 20 au soir, le responsable d’une des deux sociétés finissait par accepter quelques vendeurs d’Augustin sur certains marchés, créant une distinction inadmissible entre les vendeurs (cf. cet article).
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La plupart des manifestants avaient également un autocollant blanc (format 4 sur 7), simplement imprimé des deux pharses: « Die stadt gehöhrt allen. Die Stadt gehört niemanden ». les manifestants revendiquaient aussi, un stand de soupe chaude gratuite sur chaque marché. Ayant participé à cette manifestation, je rajouterai deux choses. L’étrange décalage entre les revendications et l’ambiance des marchés de noels. L’étrange absence des jeunes qui pourtant avaient envahi le MQ lors de la tentative de privatisation (interdiction de consommer des boissons rapportées) de son espace.
c’est en effet très choquant,et c’est utile de le faire savoir!