En ce jour de fête nationale autrichienne…
En ce jour de fête nationale autrichienne… alors que les passants viennent admirer les chars et les hélicoptères de l’armée sur la Heldenplatz… je me contenterai de vous donner un petit aperçu du patriotisme autrichien à travers une photo de ce jambon fumé emballé selon un marketing « rouge-blanc-rouge ». Comme je le signalais au printemps dernier, on trouve fréquemment, même à Vienne, des hommes en culotte de peau (en Carinthie le Land subventionne les habitants pour cela, cf. ce billet).
Et pour fêter comme il se doit les 56 ans de la Deuxième république, voici quelques photos de l’Homo Austriacus prises discrètement par votre serviteur au gré des saisons.
Un racisme parfois insidieux
Le 1er octobre dernier, je signalais l’ouverture d’une exposition consacrée à Angelo Soliman (1721-1796), insistant sur l’importance de cet événement comme initiative pour mener une réflexion plus approfondie sur la façon dont les Africains sont considérés en Autriche. Or, peu de temps après, la journaliste du Standard Irene Brickner a illustré de façon on ne peut plus emblématique la situation actuelle. Une entreprise de confiserie s’était vue reprochée par l’association qui lutte contre le racisme, ZARA (Zivilcourage und Anti-Rassismus-Arbeit), de vendre un gâteau chocolaté sous l’appellation « Negerbrot » (pain de nègre, cf. illustration ci-dessus). Par pure provocation, ils ont sorti ce mois-ci un nouveau produit « Nägerbrot » (ce qui se prononce pareil mais n’utilise plus le mot « Neger »)… poussant le défi jusqu’à ajouter un smiley derrière le mot, « 🙂 ». Pour mémoire, et par souci de comparaison, c’est en 1977 que l’entreprise Bananaia a dû renoncer à son slogan « Y’a bon Banania » prononcé par un tirailleur sénégalais. Ce n’est toutefois que très récemment que l’expression « Y’a bon » a été interdite comme slogan. L’article idoine de Wikipédia rappelle que « Le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap) a obtenu le 19 mai 2011 devant la cour d’appel de Versailles que Nutrimaine, société titulaire de la marque Banania, fasse cesser la vente de produits portant le slogan « Y’a bon ». » Espérons que la justice autrichienne puisse s’inspirer de cette jurisprudence…
Comme si l’homéopathie agissait mieux qu’un placebo
Le 14 octobre 2011, le gratuit du métro Heute titrait « Les 100 médicaments qui vous aident vraiment »… avec une liste contenant 7 produits homéopathiques. Bien sûr, il y a l’effet placebo, mais tout de même, une telle publicité. L’action de février dernier devrait être renouvelée (cf. billet et article)…
Encore et toujours : ce passé qui est occulté…
A Vienne, les grands matchs de foot se jouent au Ernst-Happel-Stadion, du nom du joueur autrichien Ernst Happel (1925-1992) qui commença sa carrière en 1942 pour l’équipe du Rapide de Vienne. A côté, depuis juillet dernier, il y a une petite bicoque en bois vert de style préfabriqué, la Maison des échecs (« Schachhaus »), sur un espace baptisé Place Rudolf Spielmann. Une plaque commémorative retrace la vie de ce joueur d’échecs né à Vienne en 1883 et mort à Stockholm précisément en 1942, lorsqu’Ernst Happel commençait à tendre le bras droit dans les stades enthousiastes.
Cette plaque ne mentionne QUE les performances du joueur et ses qualités de jeu. PAS UN MOT sur les raisons de sa mort en 1942, ni sur le fait qu’il était juif. En mars 1938, Rudolf Spielmann était aux Pays-Bas, jouant un tournoi en simultanée. Ne pouvant pas rentrer en Autriche à cause de son passeport devenu obsolète, il s’est rendu à Prague pour y retrouver la famille de son frère. En décembre 1938, il adresse une lettre désespérée au président de la fédération suédoise des échecs, l’implorant de lui trouver un moyen de l’accueillir dans ce pays.
Écrivains en liberté… à Vienne
Dans le cadre d’un colloque intitulé « Autonomie et engagement (d’) après Sartre et Adorno », organisé par la Sonntagsgesellschaft avec le soutien de l’Institut français de Vienne, trois figures majeures de la production littéraire ou philosophique en langue française étaient invitées : tout d’abord Chahdortt Djavann et Boualem Sansal , le 30 septembre au soir en ouverture du colloque, puis Robert Redeker, le dimanche 2 octobre, en clôture. Ces trois auteurs ont risqué leur vie (et la risquent encore) pour leurs idées, plus précisément pour leur combat contre l’intégrisme islamiste ou nationaliste. Chahdortt Djavann a quitté l’Iran au début des années 1990, dans ses pamphlets et entretiens, elle s’est clairement exprimée contre le port du voile pour les mineures. Boualem Sansal, de son côté, dénonce sans relâche les ravages du nationalisme en Algérie, ainsi que l’islamisation du pays. Robert Redeker, enfin, est un philosophe qui a osé critiquer l’islam dans une tribune parue en 2006. Une fatwa a été lancée contre lui, il vit encore aujourd’hui, en 2011, sous protection policière permanente.
Les effets délétères du concordat en Autriche, jusqu’au Lycée français de Vienne

Constitution de 1934 préparant le concordat, « au nom de dieu de le tout puissant dont est issu tout le droit »
Réunion de rentrée pour les parents d’élèves dans une des classes du Lycée français de Vienne. La professeur de religion catholique intervient, elle n’est pas contente que ses heures soient placées pendant la pause de midi, en première heure le matin ou en dernière heure le soir. La religion des enfants est marquée sur leur fiche(*). Les catholiques peuvent uniquement désinscrire leurs enfants du cours de religion pendant la première semaine, ensuite c’est obligatoire comme n’importe quelle matière. Cependant, comme de nombreux enfants (souvent français) ne suivent pas ce cours, il est normal que l’on ne crée pas de trous dans les emplois du temps des enfants athées (cf. ce billet sur la discrimination à l’école autrichienne). Le 3 octobre, la professeur de religion catholique a fait de la « retape » auprès des parents : elle a expliqué qu’il était très profitable de suivre ses cours car un mal sournois sévit dans cet établissement : « l’analphabétisme religieux » ! Elle a ensuite rappelé qu’il fallait respecter le Concordat, toujours actuel… même si celui-ci remonte pourtant à la période austro-fasciste (il fut signé le 5 juin 1933 entre Eugène Pacelli, futur Pie XII et le dictateur Dollfuß qui venait de dissoudre le parlement, pour entrer en vigueur au 1er mai 1934). Pour tenter de récupérer des ouailles, l’enseignante a promis des sorties culturelles, les élèves savent qu’elle met toujours 20/20 dans l’évaluation de sa « matière », mais l’argument le plus répugnant a été celui-ci : « avoir suivi des cours de religion catholique, cela vous servira. Pour trouver du travail, entre huit CV, c’est celui qui mentionne la religion catholique qui sera retenu. »
Pour tous les Soliman d’aujourd’hui !
Le but de l’histoire, son sens profond, n’est-ce pas, comme le rappelait Fernand Braudel, « l’explication de la contemporanéité » ? C’est dans cette optique presque militante 🙂 que l’historien et journaliste Philipp Blom a monté au Wien Musem, avec Eva-Maria Orosz, une exposition sur Angelo Soliman (1721-1796). Il s’agit de cet Africain qui, à Vienne, au XVIIIème siècle, est devenu un personnage important de l’aristocratie… avant d’être, à sa mort, empaillé et « rangé » dans un musée à côté de bêtes sauvages. Lors de l’inauguration, le 28 septembre, Philippe Blom a insisté sur les paradoxes de la société européenne, à la fois ouverte et excluante, à l’époque des Lumières naissantes comme aujourd’hui. Soliman est né en Afrique occidentale, il a été amené comme esclave en Europe par la Libye actuelle et l’Italie… comme aujourd’hui les travailleurs victimes de l’esclavage moderne. La seule issue, pour Soliman, était l’assimilation totale, ce qui est aujourd’hui réclamé à de nombreux migrants dans le pays dit « d’accueil ».
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