Des ronds de fumée, comme autant de zéros pointés

Dans de nombreux guides touristiques, l’Autriche est présentée comme le paradis des fumeurs (cf. Austria: One of Europe’s last smoking havens ou ce rapport du LA Times). Plus de 40% des Autrichiens fument et considèrent en général que la cigarette fait partie de la culture des cafés, trait important de l’identité autrichienne, ne serait-ce qu’en raison de la riche histoire des cafés viennois. Cette année, dans son cinquième rapport sur la maîtrise de la tabagie en Europe, l’Autriche arrive en DERNIÈRE position sur 31 pays, à égalité avec la Grèce (comme en 2007).

Les pays sont notés sur 100 et les résultats vont de 77 pour la Grande-Bretagne, à 32 pour l’Autriche et la Grèce (55 pour la France, en 6ème position). Comment les notes sont-elles déterminées ? Il y a cinq composantes, notées sur 20 : le prix de vente des paquets, la publicité, la législation sur la consommation de tabac, les mesures de dissuasion et enfin les mesures d’aides aux fumeurs qui souhaitent s’arrêter.

En Autriche, la situation témoigne d’un compromis assez typique entre les différents intérêts économiques. La publicité pour les cigarettes n’est pas restreinte et seuls les locaux dont la superficie ouverte aux consommateurs dépasse les 80 m² doivent établir deux zones (fumeurs et non-fumeurs), ou devenir des locaux non-fumeurs. La séparation entre les deux domaines est souvent inexistante et très souvent, la zone réservée aux non-fumeurs se situe dans la partie sous-terraine du café ou dans les arrières salles des restaurants, sans lumière du jour. Dans de nombreux instituts de recherche, il n’est d’ailleurs pas rare qu’à la fin d’une conférence, beaucoup se mettent à fumer autour d’un verre. Tout cela pour défendre un prétendu trait identitaire de la culture autrichienne, mais le pays a pourtant tant de richesses culturelles et historiques… et si Vienne est la ville au monde où la qualité de vie est la meilleure (cf. rapport Mercer ou ce billet), ce n’est pas pour ses cafés enfumés !

PS à certains de mes lecteurs, prompts à réagir sur ce sujet, pour éviter d’inutiles polémiques. Je SAIS que les nazis ont été les premiers à mettre en place une grande campagne anti-tabac, j’ai lu The Nazi War on Cancer de R. Proctor lorsque j’étais historien des sciences. Je répondrais que c’était avec d’autres visées politiques et que même s’ils ont construit des autoroutes, il m’arrive de les utiliser !

Mise à jour le 5 février 20014 : Infographie sur lemonde.fr publiée en février 2014 (merci Séb’)