Encore une tradition autrichienne dont on se passerait volontiers !
Le Bal de l’Opéra qui se tient à Vienne chaque année est présenté en Autriche comme le « deuxième événement culturel national » (« zweiten nationalen Kulturereignis« , Die Presse, 22 février). Il s’inscrit certes dans une longue tradition, puisque celle-ci remonte à 1877, mais prétendre que ce bal a (encore) une dimension culturelle, c’est pour le moins exagéré. Depuis des semaines les journaux annoncent les préparatifs et spéculent sur la venue des vedettes (voir ce billet). Dans la catégorie « vedettes », c’est incontestablement la jeune prostituée de M. Berlusconi, « Ruby », qui a eu le plus d’audience (ici les photos de sa conférence de presse, la séance d’autographes avec les centaines de badauds qui font la queue au centre commercial…).
Le bal de l’opéra est devenu l’événement incontournable de l’élite autrichienne mais aussi de nombreux ‘VIPs’ internationaux. Bien sûr, il eut lieu en 1939 avec une énorme croix gammée dans la salle de danse, mais ce n’est que récemment qu’il a acquis un statut symbolique, témoignant de la nature profonde de la société autrichienne contemporaine. L’écrivain Josef Haslinger l’a d’ailleurs remarqué en écrivant en 1995, Opernball, devenu un best-seller. En 1987, 1989 et 1990, d’importantes manifestations avaient déjà eu lieu, essentiellement devant l’opéra, mais en 2000, avec les débuts de la coalition entre le parti conservateur et l’extrême droite de Jörg Haider, l’opposition est devenue plus politique. Le 2 février 2000, l’acteur Hubsi Kramar, qui n’était pas invité, était arrivé en limousine, déguisé en Adolf Hitler, dénonçant ce bal qui, aujourd’hui encore, sert l’unité nationale, surtout entre les oligarques du pays et la classe politique, néonazis inclus (photo ci-dessus).
Jusqu’à très récemment, des manifestations importantes (et sauvagement réprimées) étaient organisées :
Cette année, les six (!) personnes qui se sont indignées n’étaient choquées que la présence de la prostituée officielle, « Ruby », avec des slogans comme « Notre Opéra n’est pas un bunga-bungalow » ou « on a franchi le Ruby-con » ( mon ami Hannes reconnaît les « manifestants » et explique qu’il s’agit d’artistes situationnistes – je serais donc tombé dans le panneau). Quoi qu’il en soit, ce dernier slogan me semble intéressant : ne peut pas plutôt considérer que cette jeune fille révèle la nature profonde de l’événement ?
Parmi les tweets préférés lus ce soir : « Environ 5 000 invités au Bal de l’Opéra, environ 5000 bonnes raisons d’instaurer un impôt sur la fortune » (Etwa 5.000 Besucher zählt der Opernball. Etwa 5.000 gute Gründe für die Einführung einer Vermögensteuer). Le prix des loges varie entre 8500 et 17 000 €, cf. cet article)
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Je trouve déplorable que vous écriviez un article aussi provocateur et peu fondé sur le bal de l’opéra. Vous suggérez à un public francophone que Ruby est une invitée officielle du bal de l’opéra – ce qu’elle n’est pas du tout. Elle a été invitée par M. Lugner – et de nombreux Autrichiens (dont les organisatrices du bal) ont contesté et critiqué cette invitation.
Pourtant, (dans un État libre) il n’est pas possible d’interdire l’accès au bal à quelqu’un qui possède un billet.
Je vis depuis 18 ans à Vienne, mais des manifestations « sauvagement réprimées » – c’est quand même défigurer la « réalité ».
Et qu’est-ce que le fait que le bal ait eu lieu en 1939 prouve? Qu’il faut rompre cette tradition maintenant? Un raisonnement absurde? Faudra-t-il clore tous les théâtres qui ont joué entre 1939 et 1945?
Une compétence interculturelle présuppose à mon avis également la capacité d’essayer de comprendre les traditions du pays dans lequel on vit. Par contre, ce que ce commentaire fait, c’est critiquer une tradition autrichienne d’un point de vue francais (et très arrogant, d’ailleurs). Et confirmer des stéréotypes et des clichés sur l’Autriche « nazie ». Enfin, le contraire d »élucider » – confirmer d’une manière simpliste des opinions préconcues.
J’avoue que pour les Francais (et pour les Allemands, dont je suis un) c’est un spectacle qui peut paraître « anachronique ». Mais je crois que les Autrichiens ont raison d’en être fiers, même si cela n’est pas un événement culturel de premier ordre….
1. Ruby est invitée, que ce soit par les organisateurs ou par M. Lugner, cela ne change rien. Mais vous me comprenez mal, je dois m’être mal exprimé, je ne pense PAS DU TOUT qu’elle devrait être interdite d’accès. Au contraire, à la fin de mon billet, j’écris qu’elle représente bien le public.
2. Manifestations « sauvagement réprimées » : OUI, bien sûr. Des preuves des violences policières ? http://www.youtube.com/watch?v=kOUBgezJ7TM en 2003. Plus de 40 personnes arrêtées en l’an 2000 (http://de.wikipedia.org/wiki/Opernballdemo)
3. 1939 : j’ai écrit « bien sûr ». Il y avait des croix gammées partout, là aussi. Seulement, autant de nombreuses institutions ont accompli un travail de mémoire en Allemagne, autant en Autriche il y a des lacunes considérables. Cf. mon billet sur le concert du nouvel an.
4. Je critique l’indécence de cette manifestation d’un point de vue avant tout moral et éthique… et, soyez rassurés, il m’arrive aussi de critiquer des événements analogues en France, en Hongrie, en Israël et dans d’autres pays ! De même, il m’arrive aussi d’écrire sur des points positifs de ce que j’observe en Autriche (cf. avant-avant-dernier billet, sur le logement social en Autriche)
5. Merci d’avoir fait part de vos critiques.
Merci de vos explications, je crois vous avoir compris mieux maintenant (même si je ne partage pas entièrement votre opinion sur ce bal).
Je nuancerais un peu sur « Ruby », elle représente peut-être une certaine partie du public…
Pour ce qui est du travail de mémoire: vous avez raison, il y a des lacunes considérables, mais aussi en Allemagne (et, si je ne m’abuse, aussi en France en ce qui concerne la collaboration). Tout de même il faut mentionner pour ce qui est de l’opéra, le travail de M. Holender qui avait organisé en 2009 une exposition sur l’opéra et les artistes persécutés pendant cette période. Son successeur, M. D. Meyer, un Alsacien, continue cette « tradition » et organise un symposium sur « Musik, Politik und Nationalsozialismus in Europa » le 10 et 11 mars 2011 à l’Institut francais.
Une dernière remarque (mais cela ne regarde plus l’Autriche): si vous suivez la politique culturelle de l’actuel gouvernement hongrois, vous vous rendrez compte d’un état de choses vraiment écoeurant. Les raisons pour lesquelles le directeur artistique du théâtre national, M. Alföldi, a été limogé seront incompréhensibles pour un public francais, allemand ou autrichien
http://www.pesterlloyd.net/ (un hebdomadaire en allemand)
Bonne continuation!