Les Roms en Autriche : un exemple à suivre !
Update avril 2014 : voir sur le sujet J. Segal, « Roms d’Europe : le cas autrichien », Les Temps Modernes, n°677, 69ème année, janvier-mars 2014, pp. 116-125 (PDF)
Bon, bien sûr, s’il est question d’exemple à suivre, c’est en référence à l’Autriche contemporaine de ces vingt dernières années, et pas à l’Autriche nazie. Aujourd’hui, ce que l’Autriche a accompli pour défendre les droits des Roms est exemplaire. Aucun bidonville dans le pays, il existe des émissions de radio et de télévision régulières, en romani, des enseignements dans cette langue… et des programmes assez efficaces de lutte contre la discrimination.
C’est d’abord une question de reconnaissance : depuis 1993, les Roms sont reconnus comme minorité, au même titre que les Slovènes de Carinthie et de Styrie, les Croates du Burgenland, les Hongrois du Burgenland et de Vienne, ainsi que les Tchèques et les Slovaques de Vienne. Ils disposent de ce fait d’une représentation au niveau gouvernemental et c’est M. Rudolf Sarközi qui dirige le groupe assurant cette fonction (cette homonymie m’avait amené en 2004 à publier un petit billet humoristique, « Longue vie au président Sarko !», Le Poivron, N° 66, décembre 2004, p. 5, reprise dans cet article du Monde). L’Autriche a ratifié en 2001 la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires reconnaissant le romani comme langue vivante du pays (avec cinq autres langues minoritaires). Comme l’Islande et l’Italie, la France a bien signé la Charte mais ne l’a pas ratifiée (cet article permet de faire le point, pays par pays).
Crier « Sieg Heil » dans le camp d’Ebensee, c’était « une grosse bêtise »
Un des intérêts de ce blog est de pouvoir suivre les événements évoqués… et le temps prend ici une signification particulière. En juin 2009, j’étais allé avec Philippe Reltien à Ebensee pour couvrir les récents incidents : des jeunes avaient tiré le 9 mai avec des « softguns » sur d’anciens déportés ou amis et descendants de déportés, venus se recueillir pour l’anniversaire de la libération du camp (j’apprenais d’ailleurs incidemment qu’un membre éloigné de ma famille était mort au camp d’Ebensee). Un reportage avait été diffusé sur France-Inter (voir ce billet). C’est SEIZE mois plus tard que l’affaire a commencé à être jugée, les jeunes étant toujours en liberté… alors que dans le cas de l’incendie d’une poubelle devant l’AMS, les étudiants avaient été aussitôt arrêtés et emprisonnés (cf. cet article que j’ai publié dans Le Monde libertaire). Un article du Standard relate le premier jour de procès (le 24 septembre). Les jeunes reconnaissent avoir crié « Heil Hitler, bande de porcs » puis « Blood Honour », avoir tiré avec des balles en plastique sur le cortège en recueillement et marché au pas de l’oie en tenue de camouflage dans la carrière. Pour leur défense, ils ont expliqué que c’était une grande sottise, et qu’ils en avaient honte. On a appris à l’occasion de cette première journée de procès que le meneur (16 ans au moment des faits) était proche du FPÖ de Strache, que son téléphone contenait 150 morceaux de musique aux titres aussi évocateurs que « Le Juif éternel (Der ewige Jud) », qu’il disposait de nombreuses photos de l’époque nazie etc. Ils risquent cinq ans de réclusion. Suite du procès le 1er décembre (pourquoi si tard ?).
Une incitation à la haine contre les Turcs, adressée nominativement à 500 000 foyers autrichiens !
En Autriche, le droit de vote a été abaissé en 2008 à 16 ans par calcul politique, les sociaux-démocrates alors au pouvoir espérant être ainsi avantagés. Cela a surtout profité à l’extrême droite et son leader charismatique, Heinz-Christian Strache, n’a pas oublié que si les deux partis d’extrême droite avaient obtenu 29% des voix aux dernières élections législatives (cf. ce billet de septembre 2008), ce score était estimé à 37% chez les moins de 30 ans. Aussi, dans la campagne pour les élections régionales de Vienne du 10 octobre, Strache a multiplié les soirées en boîte de nuit, allant jusqu’à produire un morceau de rap (que vous pouvez entendre ici et voir là). « Wiener Blut », dans le titre (cf. illustration ci-jointe), se rapporte bien sûr à son affiche électorale qui fit scandale, à travers laquelle il entendait défendre le « sang viennois » (cf. ce billet).
Mais ce n’est pas tout. J’avais déjà eu l’occasion de m’étonner du fait, qu’en Autriche les partis politiques ont accès aux listes électorales aussi bien qu’aux listes de résidence. Avant la plupart des élections, nous recevons donc des tracts adressés à notre nom, comme n’importe quel courrier. Le 23 septembre, 500 000 foyers (dont le mien !) ont reçu du FPÖ, avec une lettre personnalisée, un album intitulé « Sagen aus Wien » (Contes viennois, disponible en ligne, ici). Cette fois-ci, pas de double ‘S’ en gothique comme dans la BD du FPÖ que j’avais signalée en 2009 (ici mon billet, là des extraits). Par contre, il y a indubitablement des signes d’incitation à la haine raciale, et toute une série de signes renvoyant à la propagande (néo)nazie :
Pas de cordon sanitaire en Autriche !
Un cordon sanitaire, c’est l’expression imagée utilisée en France pour éviter toute alliance avec l’extrême droite. Aux régionales de 1998, en France, Charles Baur, Jean-Pierre Soisson et Jacques Blanc s’étaient tous les trois fait élire au poste de président de région (resp. en Picardie, Bourgogne et Languedoc-Roussillon) avec une majorité absolue des sièges comprenant le FN. Ils ont cependant subi les conséquences politiques de ces alliances et ces élections ont suscité un tollé.
En Autriche, aux élections régionales de Styrie du 26 septembre 2010, le gouverneur sortant du parti social-démocrate (SPÖ), Franz Voves, est arrivé en tête. Les résultats sont représentés ci-dessous (ils sont encore provisoires car on attend le décompte des votes par correspondance). Voves a déclaré qu’il envisageait AUSSI BIEN une alliance avec les conservateurs de l’ÖVP… qu’avec le FPÖ de Strache (l’extrême droite). Précisons qu’il y a des liens étroits entre le SPÖ et le FPÖ. Un article de Wikipédia sur l’alliance rouge-bleue (couleurs attribuées aux partis) rappelle que le SPÖ de Carinthie avait élu un certain Jörg Haider au poste de gouverneur…
Solidarité avec les Roms – Solidaritätskundgebung für die Roma
(Hier unten auf Deutsch) Environ 200 personnes étaient réunies samedi 4 septembre 2010 devant la représentation de l’Union européenne à Vienne, Wipplingerstr. 35. Le slogan était « Stop rassismus » et différents acteurs de la société civile ont pris la parole. Parmi celles-ci, Ceija Stojka, née en 1933, déportée dans trois camps de concentration… une figure marquante de la communauté rom en Autriche. La manifestation, autorisée uniquement sur le trottoir, était organisé par le groupe en charge des Roms au diocèse d’Eisenstadt. Mes photos sont ici.
Ca. 200 Leute waren am 4. Sept. vor dem Europahaus in Wien. Unter dem Motto « Stop Rassismus » sind viele VertreterInnen der Zivilgesellschaft zur Wort gekommen. Unter anderen Ceija Stojka, geb. 1933, in drei KZ deportiert. Meine Fotos sind hier.
Offizieller Aufruf: Eine Initiative engagierter Roma und Romnia in Wien ruft zur Solidaritätskundgebung gegen die Abschiebung von Roma aus Frankreich auf.
Die Abschiebungen von Roma in Frankreich durch Präsident Nicolas Sarkozy
Expo Mahler, suite
A l’occasion de l’ouverture de l’exposition consacrée à « Gustav Mahler et Vienne », j’avais dénoncé dans un billet le fait que l’antisémitisme qui régnait à Vienne n’était pour ainsi dire pas abordé, alors que cela expliquait par exemple pourquoi le compositeur avait quitté Vienne pour New York en 1907 (de ce billet est né un article publié en juin dans L’Arche).
Il semblerait que la judaïté de Mahler n’ait pas échappé, au contraire, à l’auteur de ce graffiti. La photo ci-contre m’a été envoyée par un ami viennois. Le cliché a été pris au Hoher Markt le 1er septembre 2010. No comment.
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