La pédophilie dans l’Église catholique… on en parle même en Autriche !
Dans un billet consacré il y a un an à la culture locale du “ regarder ailleurs ”, le fameux “ Wegschauen ” autrichien, il était avant tout question du secret bancaire et du dopage, même si l’affaire Fritzl résonnait encore dans les consciences.
Aujourd’hui (9 mars 2010), en suivant l’actualité, c’est de la pédophilie dans l’Église catholique dont il s’agissait. Tout au long de la journée, on apprenait que des cas d’agressions sexuelles étaient révélés dans les paroisses des différents Länder : Land de Salzbourg au réveil (près de 7 minutes sur la principale radio nationale !), ensuite le Vorarlberg et le Tyrol à midi (ici la partie traitant de ce sujet, près de 13’), la Styrie dans l’après-midi (ici le flash) et le Burgenland aux infos de 18h (là l’extrait concerné) ! Pas mal pour réviser sa géographie ! Je rêvais déjà d’une nouvelle carte du pays…
A Salzburg, pour ne prendre qu’un exemple, c’est un homme aujourd’hui âgé de 53 ans qui a enfin oser briser le silence : sous prétexte d’admirer la vue en haut du clocher de l’église Sankt-Peter, à Salzbourg, deux Bénédictins l’ont attiré et violé à plusieurs reprises. Il s’agissait presque d’un cas d’école, l’enfant étant contraint se ne se confesser qu’auprès d’un de ses deux bourreaux, de façon à ce qu’il ne risque pas de s’épancher. Lorsqu’il a commencé à sortir de son silence, en novembre 2009, l’un des deux lui a proposé… 5000 € pour son silence ! Le parcours de deux pédophiles est intéressant et – là encore – tout à fait typique : dès que la hiérarchie prend connaissance de ce qui se passe, les prélats sont affectés dans d’autres paroisses, en l’occurrence en Haute-Autriche et en Bavière ! C’est le fameux principe de la ‘tournante’ catholique : alors que dans les banlieues le terme désigne un viol collectif, dans la variante catholique, l’idée est de faire tourner non pas la victime mais les curés pédophiles, de paroisse en paroisse.
Au début des années 2000, c’est aux États-Unis que des premiers décomptes ont été faits. D’après un rapport de l’Église (!), 4392 prêtres américains ont violé 10 667 enfants entre 1950 et 2002 (100 000 selon les associations de victime ! cf. cet article de C. Fourest et F. Venner).
En 2009, c’était au tour de l’Irlande de s’éveiller, grâce à deux rapports : le rapport Ryan, en mai 2009 et le rapport Murphy, en novembre 2009. Comme le rappelle Libération,“ Le rapport Ryan a dressé un catalogue hallucinant des violences physiques, sexuelles et morales perpétrées sur plus de 35 000 [enfants] placés dans ces institutions entre 1930 et la fin des années 90. (…) Le rapport Murphy s’est concentré sur un échantillon de ces violences, perpétrées entre janvier 1975 et mai 2004. Quatre ans et demi d’enquête ont permis d’identifier au moins 440 victimes de 46 prêtres.”
En 2010, c’était d’abord au tour de l’Allemagne de commencer à compter ses pédophiles parmi les hommes d’Eglise. Même le très chrétien hebdomadaire La Vie y est allé ce matin de son petit article. Une cinquantaine de cas dans cinq internats à Berlin (1970-1980), une centaine en Bavière à l’abbaye d’Ettal (1950-1980), dans le diocèse dirigé entre 1977 et 1982 par un certain cardinal Joseph Ratzinger… dont le frère s’occupait de la chorale de Ratisbonne (2 cas d’agressions sexuelles !).
En Autriche, c’est d’une façon générale les délais de prescription qui posent problème (comme je l’avais signalé dans ce billet). Dans les cas d’agressions sexuelles, le délai est compté à partir des 28 ans de la victime, c’est 5 ou 10 ans, selon la gravité des cas. Un numéro de hotline a été diffusé en place pour signaler les agressions sexuelles, le 0800 112 112 ! (Mise à jour, 10/3/10 : déjà 30 cas signalés en moins de 70 jours, près du double du total annuel pour 2009 !)
Il y a bien sûr toujours eu des cas de pédophilie dans l’Eglise, du Cardinal Groer (qui a même sa page sous le Wikipédia français) à l’évêque Kurt Krenn (page en allemand ou en anglais).
Espérons que cette vague de révélations permettra à l’Autriche de se libérer de l’emprise de ses églises !
PS / Deux films sur les liens intrinsèques entre la pédophilie et la religion : Delivrez-nous du mal pour ceux qui s’intéressent à la religion catholique (Amy Berg, 2008)… et (pas de jaloux !) pour la religion juive, ce court-métrage que j’avais personnellement sélectionné à Venise, en septembre dernier, pour le Festival du film juif de Vienne, Sinner (de Meni Philip, 2009).
4 commentaires »
Votre commentaire
-
Archives
- février 2023 (1)
- octobre 2022 (2)
- septembre 2022 (1)
- juin 2022 (1)
- mai 2022 (1)
- mars 2022 (1)
- décembre 2021 (1)
- novembre 2021 (1)
- octobre 2021 (1)
- juin 2021 (1)
- mai 2021 (1)
- avril 2021 (1)
-
Catégories
- Anti "foot professionnel"
- Anti-foot
- Antisémitisme
- Art
- Asile
- Autriche
- Catholicisme
- Cinéma
- Critique(s) d'ouvrage
- croix
- Economie
- Enseignement
- Europe
- Expulsions
- Extrême droite
- Féminisme
- FPÖ
- Français de l'étranger
- France
- Immigration
- Islam
- Israel
- Jésus
- Journalisme
- Judaïsme
- La France en Autriche
- Laïcité
- Mémoire
- Nazisme
- Photo
- Police
- Racisme
- Réfugiés
- Religion
- Restitution
- Roms
- Sexisme
- signes religieux
- Sport
- travail
- Uncategorized
- Vienne
-
RSS
Entries RSS
Comments RSS
merci pour ces informations épicées autant qu’inquiétantes
« Comment en est-on arrivé là ? La multiplication des divorces conflictuels ou les campagnes de sensibilisation aux problèmes de pédophilie et d’inceste, qui rendent les accusations plus faciles, fournissent un début d’explication. Mais il faut aussi prendre en compte le phénomène des « nouveaux pères ». Quoi qu’on en dise, l’attitude des hommes envers leur progéniture a profondément changé ces dernières années : ils s’occupent davantage des petits, donnent les biberons, changent les couches et, surtout, câlinent beaucoup plus que par le passé. Un sondage Ifop publié par Elle nous apprend que les pères divorcés font passer la tendresse en deuxième position dans ce qui définit le mieux leur rôle parental, derrière la participation à l’éducation et aux loisirs, mais avant l’autorité et les besoins matériels.
La pédophilie un problème qui se réduit qu’à l’Église où un problème anthropologique?
Un problème anthropologique et sociologique qui bénéficie d’une certaine impunité dans l’Eglise.