Le petit flambeau

L'Autriche vue par un universitaire français…

Le rôle politique des festivals, d’Avignon à Gaza en passant par Vienne !

Exceptionnellement, voici un billet en rapport avec mon principal domaine de recherche… car d’une certaine façon, l’actualité le rattrape. L’objet de ce projet européen appelé EURO-FESTIVAL est l’étude des festivals culturels urbains, en tant que lieux de débats démocratiques où évoluent les identités des participants.

Dans un livre publié l’été dernier sur le festival d’Avignon, Jean-Louis Fabiani s’était intéressé de son côté à la façon dont la participation aux débats organisés en marge des représentations théâtrales influe sur les constructions identitaires et citoyennes. Ce type de festival, et particulièrement celui d’Avignon où les échanges sont nombreux, donne à voir selon quelles modalités un vivre ensemble devient possible (cf. ici, une recension que je viens de publier de cet ouvrage).

Cette volonté de créer les conditions du « vivre ensemble » est aussi ce qui anime les deux responsables du Festival du film juif de Vienne (ici et une présentation de ce festival en français). Pour les organisateurs, la nécessaire cohabitation pacifique des Israéliens et des Palestiniens est une évidence. C’est donc tout naturellement qu’un film qui éclairerait par exemple la vie des habitant de Gaza pourrait être projeté. Pour pouvoir vivre ensemble, il faut se connaître, c’est aussi simple que cela. Aussi, des films comme Paradise now (Hany Abu-Assad, 2005), qui montre comment deux jeunes arabes deviennent volontaires pour un attentat kamikaze, trouvent tout à fait leur place dans la programmation. Ceci n’est toutefois pas du goût de la représentation officielle de la communauté juive en Autriche (IKG), qui, dans une récente tribune, s’en est pris en des termes d’une violence inouïe aux organisateurs de ce festival. Selon M. Fastenbauer, secrétaire général aux affaires juives” (sic) de l’IKG, ce festival devrait s’appeler « Festival du film palestinien », simplement parce que sur les 35 films présentés, trois étaient (co-)réalisés par des Palestiniens (deux d’Elia Suleiman dont l’un est d’ailleurs coproduit par Israël et un documentaire tourné par un Palestinien… avec un Israélien).

Le fait est que l’IKG entend avoir le monopole de l’utilisation du mot juif” dans toute manifestation et disposer d’un droit de veto sur le choix des films, censurant toute image qui pourrait mettre en danger leur représentation d’Israël et du Moyen-Orient. Au lieu d’insister sur le fait qu’Israël est la seule démocratie du Moyen-Orient, que des réels débats y ont lieu (cf. manifestations actuelles contre les bombardements à Gaza et en Israël), trop de Juifs de la diaspora ont une vision monolithique du judaïsme et d’Israël. Ces murs qu’ils érigent, au sens figuré en refusant les regards filmiques des voisins comme au sens propre avec le Mur de la honte qui transforme Gaza en prison à ciel ouvert… ne peuvent résister au cours de l’Histoire.

Puissent par exemple les représentants de l’IKG entendre les mots qu’a eus Daniel Barenboïm, ici même à Vienne, en marge du concert de Nouvel An qu’il a dirigé. Son propos se terminait ainsi : Palestinian violence torments Israelis and does not serve the Palestinian cause; Israeli retaliation is inhuman, immoral, and does not guarantee security. The destinies of the two peoples are inextricably linked, obliging them to live side by side. They have to decide if they want to make of this a blessing or a curse.

Live side by side”, c’est bien ce vivre ensemble”… chapeau Maestro!

9 janvier 2009 - Posted by | Autriche | , , , , , , , ,

2 commentaires »

  1. Jérôme,
    Non, tu n’écris pas seulement pour critiquer et certains pourraient avancer que tes écrits sont négatifs.
    Actuellement, quand on constate qu’il y a des conflits, des guerres, qu’on cherche à comprendre et qu’on sait qu’il est difficile d’obtenir la paix, alors on peut croire que les écrits qui relatent la non volonté de connaître l’autre, les autres, sont négatifs, cependant, quand je lis en conclusion : « chapeau Maestro« , sans être pour autant naïf, c’est bien avec de l’optimisme qu’il me faut continuer à croire qu’il y a possibilité de mieux vivre.

    Commentaire par charlie le hoangan | 9 janvier 2009 | Réponse

  2. Cet article est tout à fait d’actualité,d’autant que les visions monolithiques des peuples juifs ou arabes sont hélas légion!
    peut- on même parler au nom du peuple juif?
    Je ne le pense pas….

    Commentaire par Marie- Laure SEGAL | 9 janvier 2009 | Réponse


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